Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/397

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les rangs républicains. Au. Corps législatif, Esquiros, qui avait vu les grèves anglaises, et Gambetta, tous deux stimulés par une sommation des socialistes de Marseille, (Cf. lettre de Bastelica à Varlin du 2 février 1870. Troisième procès, p. 44) interpellèrent le ministre sur l’envoi des troupes.

Mais les ouvriers creusotins n’étaient pas encore prêts à soutenir longtemps un effort d’indépendance. La grève avait éclaté le mardi ; le samedi, les neuf dixièmes des ouvriers demandaient à rentrer. M. Schneider les fit attendre. « On rentrera, quand je voudrai », disaient ses affiches. Il le voulut bien le mardi.

Les « meneurs », les membres du comité, ou tous ceux qui, comme Dumay, sans avoir pris part à la grève, étaient suspects, furent renvoyés de l’usine. Le calme était rétabli.

Calme apparent ! Quand un travailleur, même le plus courbé sous le joug, s’est une fois redressé, quand une fois il « a revu le soleil », il s’en souvient. Les journaux républicains qui ne ménagèrent point l’encre pour attaquer l’impérialiste Schneider, avaient été lus avidement ; leurs nombreux correspondants avaient éveillé la curiosité des ouvriers ; les manifestes et les appels de l’Internationale surtout avaient frappé les Creusotins.

Dumay, Assi, demeurèrent dans le pays, entretinrent des relations avec les différentes sections. Chaque jour, soixante à quatre-vingt numéros de la Marseillaise arrivaient au Creusot et étaient distribués. Assi poursuivait son travail d’organisation. Follement, ils songèrent même un moment, lui et ses amis, à monter un établissement coopératif en face du Creusot ! La forme de la société de résistance était la seule viable. Ce fut celle qui se développa. Sous la cendre laissée par le gigantesque incendie de paille qu’avait été la première grève, le feu couvait.

La grève du Creusot et l’agitation qu’elle avait éveillée convainquirent encore plus les militants de l’Internationale de la nécessité de l’organisation ouvrière. Jamais peut-être ils n’en furent plus préoccupés qu’en ces mois de février et mars, où ils sentirent de plus en plus vivement l’obligation, où ils se trouvaient d’être prêts.

A Paris, c’était tout d’abord la constante préoccupation de Varlin de donner à l’organisation économique, je veux dire aux sociétés de résistance, le plus de force et de cohésion possibles. Les socialistes avaient bataillé de tous côtés : ils avaient peu à peu pénétré de nombreuses sociétés. L’heure n’était-elle point venue ou la classe ouvrière comprendrait qu’elle devait moins disperser et mieux régler son effort ?

Il y avait, nous l’avons vu, à Paris deux organisations fédérales, beaucoup de sociétés, d’ailleurs, adhérant à la fois aux deux. Il y avait d’une part la caisse fédérative de prévoyance des cinq centimes, plus communément appelée caisse du sou, et qui avait rendu de grands services aux corporations eu grève depuis 1865. Toutes les corporations adhérentes à la caisse prélevaient sur la cotisation de leurs membres, cinq centimes par semaine afin de constituer