Page:Jaurès - Histoire socialiste, X.djvu/401

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20 novembre, également dans une lettre à Richard, où il racontait comment la grève des mégissiers avait hâté la constitution de la Chambre fédérale, Varlin écrivait : « Que faites-vous à Lyon ? Songez-vous à vous constituer en fédération ? Cela serait très nécessaire. Nous pourrions aussitôt établir la fédération nationale en unissant les fédérations parisienne, rouennaise et marseillaise (je pense que cette dernière ville est en état de constituer aussi une fédération locale). Nous obtiendrions ainsi une puissance considérable et qui nous assurerait une grande importance dans les événements qui se préparent. Nous pourrions surtout commencer l’étude des moyens d’organiser le travail, aussitôt la révolution faite ; car il faut que nous soyons prêts ce jour-là, si nous ne voulons pas nous laisser frustrer encore une fois ».

Enfin, Albert Richard et la section lyonnaise à leur tour songent à organiser une grande réunion, qui sera comme le premier Congrès des sections françaises et suisses de l’Internationale.

Ce furent finalement les Lyonnais qui réalisèrent les premiers cette idée. Ils demandèrent aux Rouennais, aux Parisiens, aux Marseillais et aux Suisses, d’envoyer au moins un délégué à une grande réunion qui fut fixée au 13 mars. Malon aurait voulu que le Congrès fût purement français, et qu’il eût lieu à Bourges, « la vieille Avarike », centre territorial et centre de la résistance gauloise contre César. Varlin eût préféré attendre. (Lettre de Malon à Richard du 7 nivôse 78. — Le cachet de la poste porte celle du 26 décembre 69). Ils ne maintinrent pas leurs objections. La réunion eut lieu.

Marseille, Vienne (Isère), la Ciotat, Dijon, Rouen et Paris avaient envoyé des délégués. C’était Varlin qui avait été choisi pour représenter Paris. Schwitzguébel représentait la Suisse. Cinq mille personnes environ assistèrent à la réunion ; ce fut Varlin qui présida. Bastelica, Aubry, Richard, Pacini (Marseille) et Schwitzguébel prirent tour à tour la parole. On lut enfin une adresse des travailleurs belges, adresse rédigée par de Paepe, et où il était proclamé « que l’État politique n’a plus de raison d’être ; le mécanisme artificiel appelé gouvernement disparaît dans l’organisation économique ; la politique se fond dans le socialisme ». Ceux qui se trouvaient dans l’intimité de Bakounine reçurent là aussi, communiquée par Richard, une belle et forte lettre où le grand révolutionnaire les mettait en garde contre toute collaboration avec le radicalisme bourgeois. « L’assemblée de Lyon, dit Guillaume, à qui nous empruntons ces détails, (L’Internationale, I, 284-85) manifesta publiquement l’union des trois pays de langue française ; et les collectivistes des sections romandes purent constater qu’ils se trouvaient en étroite communion de principes avec les sections de l’Internationale en France et en Belgique ». Mais les liens resserrés entre les diverses Fédérations françaises ne paraissaient point encore satisfaisants à la plupart. Et, durant les mois qui suivirent, Aubry, par exemple, ne se lassa point de rappeler à ses amis la nécessité d’un vrai Congrès.