sociétés reconnues d’utilité publique, une forme nouvelle, celle des sociétés approuvées. Ces sociétés approuvées obtenaient de grands avantages : gratuité du local, du mobilier et des registres fournis par la commune, réduction des frais funéraires pour leurs membres, exemption des droits de timbre et d’enregistrement, facilités pour le placement de leurs fonds à la Caisse d’épargne et a la Caisse des retraites, participation aux subventions de l’État. Mais, eu échange, des obligations leur furent imposées, et rien ne révèle mieux que leur teneur même l’esprit qui inspirait la politique sociale du Second Empire : les sociétés approuvées durent laisser au chef de l’État la nomination de leur président ; ne jamais promettre de secours contre le chômage ; admettre des membres honoraires.
On imagine facilement les raisons de toutes ces mesures. Mais les gouvernants du Second Empire eux-mêmes les ont avouées, pour l’instruction de la postérité. L’initiative du curé d’abord leur paraissait devoir assurer « un bon résultat ». « Sa parole, disait une circulaire du ministre de l’intérieur, est puissante pour réunir, pour concilier, pour inspirer aux uns l’obligation de l’économie, aux autres le devoir du sacrifice… Placer l’association sous la protection de la religion, c’est emprunter ce qu’il y a de bon, d’élevé, de généreux dans ces vieilles corporations qui marchaient sous la bannière et portaient le nom d’un saint ».
Par la nomination de leur président, d’autre part, l’État pouvait les contrôler, les surveiller, les guider. Par l’interdiction de promettre des secours de chômage, ils les empêchaient de glisser, comme le cas s’était si souvent produit, à la défense professionnelle, à l’action syndicale. « Dans aucun cas, disait aux préfets la circulaire du 29 mai 1852, vous n’approuverez la promesse de secours en cas de chômage : cette condition ne serait pas seulement un principe de ruine et de démoralisation, puisqu’elle tendrait à encourager la paresse et à faire payer au travail une prime à l’insouciance ; mais elle porterait en elle le germe de toutes les grèves et l’espérance de toutes les coalitions ». Enfin par l’introduction, dans le sein des sociétés, de membres honoraires, payant et ne recevant rien, mais promoteurs et appuis de l’institution, les auteurs du décret comptaient rapprocher l’ouvrier et le patron, les classes pauvres et les classes aisées. On allait réaliser, pour perpétuer la dépendance de la classe ouvrière, une mensongère paix sociale. Mais les économistes du pouvoir la présentaient ainsi : « Tout ce qui est de nature à favoriser cet accord entre patrons et ouvriers, disait Michel Chevalier, doit être accueilli avec empressement et reconnaissance. Or, on concevrait difficilement rien qui y fût plus propre qu’une institution au sein de laquelle le bourgeois et l’ouvrier, réunis spontanément en grand nombre, s’occuperaient à titre d’associés et de collègues, d’une œuvre de bienfaisance dont profiteraient les classes nécessiteuses en y contribuant elles-mêmes ».
Bienfaisance et surveillance, la politique sociale de l’Empire autoritaire se résumait en ces deux termes. Quiconque ne voulait l’accepter était frappé.