comment l’Empire pouvait-il accepter de bonne grâce ce surgissement de deux grands peuples, si lui-même ne trouvait pas, dans une œuvre glorieuse de liberté, dans l’accomplissement, hardi de ce qu’avait d’essentiel le programme de 1789, une forme nouvelle de grandeur ? D’ailleurs, l’empire ne pouvait s’engager à fond dans cette politique de paix s’il était obligé de défendre contre l’Italie le pouvoir temporel du Pape. Mais il y serait contraint, il subirait le joug des contre-révolutionnaires qui l’animaient contre l’Italie, s’il n’appelait à lui une force nouvelle, la force du libéralisme démocratique. C’est ce que M. Émile Ollivier disait avec force dans son discours du 20 juin 1864 au banquet de Turin.
Il signifiait que le gouvernement impérial serait contraint de menacer l’Italie tant qu’il serait l’esclave des partis conservateurs ennemis de l’unité italienne, et que la question romaine était en réalité pour la France une question de politique intérieure. Elle ne sera résolue au profit de l’Italie que par l’avènement, en France, de la liberté. Quand donc M. Émile Ollivier commença à entrevoir, dans l’année 1867 et les années qui suivirent, la possibilité d’arriver au ministère, il avait donné assez de preuves de constance et de cohérence dans les vues et dans les desseins pour qu’on pût espérer que son avènement au pouvoir résoudrait dans le sens de la paix et du droit des nations la question allemande et la question italienne. Pourtant, dès lors, bien des symptômes inquiétants commençaient à se marquer. M. Émile Ollivier s’exaltait orgueilleusement dans son dessein par de fausses analogies. Il admirait Mirabeau et l’effort tenté par celui-ci pour concilier la vieille monarchie française et la Révolution. Sans doute, le succès de cette entreprise aurait épargné à la France bien des épreuves et bien des désastres. Mais quelle conclusion M. Émile Ollivier pouvait-il tirer de là ? La France révolutionnaire de 1789 n’avait pas, pour la royauté traditionnelle et pour Louis XVI, la haine et le mépris qu’avait sous l’Empire le parti républicain pour le César d’aventure, parjure et meurtrier. Tous les révolutionnaires étaient monarchistes, et Mirabeau ne faisait que pousser plus hardiment, avec plus de conséquences et un souci plus aigu de l’avenir, une politique dont les principes étaient avoués par tous.
Au contraire, la démocratie républicaine, dont M. Émile Ollivier avait été d’abord l’élu, n’acceptait pas dans son ensemble la réconciliation avec l’Empire même libéral. De même, quand M. Émile Ollivier s’expliquant, aux élections générales de 1869, devant les citoyens de Paris, qui d’ailleurs le désavouèrent, leur rappelait que les républicains Mazzini et Garibaldi étaient allés trouver Cavour et lui avaient dit : « Si la monarchie de Savoie veut réaliser l’unité italienne, nous la seconderons » ; quand il ajoutait : « Si ces hommes ont mis l’unité de leur patrie au-dessus de tout et de la forme même de gouvernement qui avait leurs préférences passionnées, je mets au-dessus de tout la liberté de la patrie, il s’éblouissait lui-même d’une ressemblance trompeuse. Car la maison de Savoie voulait vraiment l’unité italienne, et l’instinct de son ambition se