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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/21

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une dynastie funeste. En tout cas, le prince Napoléon, présent au conseil de guerre de Châlons, avait raison de dire à l’Empereur : « Si nous devons périr, périssons avec honneur, ne fuyons pas la capitale. » Mais l’impératrice voulait qu’un suprême effort fût tenté pour reconquérir le terrain perdu, elle insistait pour que le maréchal de Mac-Mahon se dirigeât vers l’est essayant de rejoindre Bazaine.

Celui-ci, du 10 au 22 août, avait adressé à Mac-Mahon et à l’Empereur plusieurs dépêches ou missives, dont une au moins leur parvint, pour leur dire qu’il espérait sortir de Metz et, par Montmédy et les places du Nord, opérer sa retraite et rejoindre Mac-Mahon. Cette dépêche acheva de dissiper les hésitations du maréchal de Mac-Mahon. Il espéra faire sa jonction avec Bazaine. Il croyait d’ailleurs qu’il n’aurait d’abord devant lui que l’armée du prince de Saxe nouvellement formée par M. de Moltke et forte seulement de 80.000 hommes. L’armée du prince royal, celle qui l’avait vaincu à Wissembourg, était encore en arrière, il le supposait du moins, de deux ou trois jours de marche. Il espérait la gagner de vitesse en remontant vers le nord. Mais il ne prit pas au plus court. L’armée du prince royal, avertie de la marche de l’armée française, se hâta vers le nord. Bazaine, informé cependant de la marche de Mac-Mahon, ne tenta pour sortir de Metz que de médiocres efforts, et lorsque Mac-Mahon arriva à Beaumont, il s’y heurta, avec sa seule armée, aux forces combinées de l’armée du prince de Saxe et de l’armée du prince royal.

L’armée française vaincue passe de la rive gauche de la Meuse sur la rive droite pour se couvrir du fleuve, mais elle était resserrée dans un espace étroit entre la rive droite de la Meuse et la frontière belge. Les Allemands qui, à Forbach et à Rezonville, avaient été inférieurs en nombre, qui, à Saint-Privat, avaient opposé aux Français des forces égales, disposaient cette fois d’une grande supériorité numérique : 200,000 hommes contre 120,000. Elle leur permet d’opérer une manœuvre puissante et hardie. Ils passent la Meuse à l’est et à l’ouest des positions françaises et enveloppent ainsi notre armée.

Leur artillerie la foudroie. Mac-Mahon blessé vers 6 heures du matin remet le commandement au général Ducrot. Celui-ci, voyant la manœuvre d’enveloppement veut porter toutes ses forces vers l’ouest, vers le calvaire d’Illy, pour tenter de s’échapper, même au prix des plus grands sacrifices. Mais le général de Wimpffen, qui avait une lettre de service du ministre de la guerre Palikao, croit que la manœuvre de Ducrot est impossible et il essaie de trouer vers l’est, dans la direction de Metz, le cercle formé par l’ennemi. Il ramène vers Bazeilles les troupes étonnées par ce flux et reflux et qui ressemblent déjà à une lugubre épave que roule en ses mouvements contradictoires une marée de désastres.

Dans Bazeilles même une lutte atroce s’engage. Les soldats de la France luttent désespérément, mais ils sont accablés par la force du nombre, par une artillerie supérieure et foudroyante et aussi par le poids accumulé des fautes