Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/309

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à parler plus haut et plus ferme. Par une proclamation insérée à l’Officiel du 23, il dénonçait déjà l’attitude des maires et députés mettant tout en œuvre pour entraver les élections ; il montrait la réaction soulevée par eux et déclarant la guerre, et affirmait qu’acceptant la lutte, il briserait toutes les résistances. Les élections, quoi qu’il arrivât, s’accompliraient le dimanche 26. Puis, faisant front du côté de Versailles, en une autre proclamation, la plus remarquable qu’il eût jusqu’alors signée, il précisait les attributions et pouvoirs de la nouvelle Assemblée municipale. Il revendiquait « le droit de la cité aussi imprescriptible que celui de la nation ». « La Cité, disait-il, doit avoir, comme la nation, son Assemblée qui s’appelle indistinctement : Assemblée municipale ou communale ou Commune ». Sentant le danger de la campagne menée par Thiers à ce sujet, il insistait de nouveau et plus fortement sur les rapports respectifs de Paris et de la province. « Paris, déclarait-il, ne veut pas régner, mais il veut être libre : il n’ambitionne pas d’autre dictature que celle de l’exemple : il ne prétend ni imposer ni abdiquer sa volonté : il ne se soucie pas plus de lancer des décrets que de subir des plébiscites ; il démontre le mouvement en marchant lui-même et il prépare la liberté des autres en fondant la sienne. Il ne pousse personne violemment dans les voies de la République ; il se contente d’y entrer le premier ».

Aux mots, aux protestations dans la journée du 22, succédaient les actes, les précautions défensives, les mesures offensives. Les bataillons fédérés, à l’exception des mairies des Ier et IIe, occupaient ou réoccupaient les maisons communes de tous les arrondissements. Un bataillon de Belleville, notamment, reprenait sur le Versaillais Vautrain la mairie du IVe. Les maires et adjoints des IIIe, Xe, XIIe et XVIIIe étaient remplacés d’office par des délégués du Comité central. Le Comité fortifiait de barricades la place Vendôme, doublait les bataillons de l’Hôtel de Ville, envoyait de fortes patrouilles jusqu’aux postes des rues Vivienne et Drouot pour y contenir le chemisier Quevauvilliers et ses boursiers ; prenait position, par les fédérés amis du quartier de la gare des Batignolles, coupant ainsi les communications que de la gare Saint-Lazare, en leur possession, les gardes nationaux de l’ordre et l’amiral Saisset pouvaient entretenir avec Versailles. Jourde et Varlin, lanternés la veille par le sous-gouverneur de Plœuc, remplaçant le gouverneur Rouland qui, lui aussi, avait évacué, revenaient trouver à la tête de deux bataillons, après lui avoir envoyé une sommation de bonne encre, le marquis récalcitrant et lui enlevaient un second million pour la solde de la garde nationale. Thiers et Picard ayant ouvert les prisons de province et lâché sur Paris de nombreux repris de justice, le Comité dénonçait l’acte infâme et affichait que tout individu pris en flagrant délit de vol serait fusillé.

Enfin, en réponse aux vaticinations alarmantes de Jules Favre, annonçant du haut de la tribune de l’Assemblée nationale l’intervention prussienne contre Paris, le Comité portait à la connaissance du public la communication