Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/311

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Tirard, à Schœlcher. Mais leur clientèle électorale parisienne n’avait pas le même intérêt à se taire, à empocher les gifles sans protester. La nouvelle de cette réception la rejeta pour un instant vers le Comité central et développa dans la bourgeoisie moyenne, chez les commerçants, un état d’esprit qui paralysa la volonté de résistance des plus intraitables et favorisa, précipita le compromis qui allait intervenir entre les élus de Paris et le Comité central, en vue des élections municipales.

Le Comité central, sentant le terrain plus solide, marchait, au 24, carrément de l’avant. Au Journal Officiel, il publiait un arrêté convoquant les électeurs pour le dimanche 26 et fixant les modalités du scrutin : vote au scrutin de liste et par arrondissement ; un conseiller pour 20.000 habitants, soit, au total, 90 ; les électeurs votant sur présentation de la carte délivrée pour les élections du 8 février, dans les mêmes locaux et d’après les modes ordinaires. Au point de vue militaire, le Comité, comprenant non moins que l’heure des résolutions viriles avait sonné, révoquait de ses fonctions l’incapable et inquiétant Lullier, ses douteux compagnons, Raoul de Bisson. Ganier d’Abin, et confiait le commandement, avec le titre de général, à trois hommes éprouvés, militants de la classe ouvrière, ayant pendant le siège donné des gages de leur civisme et de leur énergie : Brunel, Eudes et Duval.

Ainsi assuré sur ses derrières, débarrassé des intrigants et des fous, le Comité central songea à reprendre la conversation avec les maires, pour les contraindre à s’associer aux opérations électorales du 26 et à se porter de la sorte garants de leur légalité.

C’est ici que se placé un intermède à la fois comique et répugnant, dont il faut parler, moins pour l’influence qu’il eut sur la suite des événements — il n’en eut aucune — que pour le désarroi qu’il révèle à ce moment dans les sphères du pouvoir. Il s’agit de l’affiche placardée ce matin même du 24 par l’amiral Saisset et où, sous sa signature, le guerrier osait dire à la population parisienne ce qui suit, à la minute précise où les journaux apportaient d’autre part le récit exact de la séance de l’Assemblée nationale de la veille :

« Chers concitoyens, je m’empresse de porter à votre connaissance que, d’accord avec les députés de la Seine et les maires élus de Paris, nous avons obtenu du gouvernement de l’Assemblée nationale ;

« 1o La reconnaissance complète de vos franchises municipales ; 2o L’élection de tous les officiers de la garde nationale, y compris le général en chef ; 3o Les modifications à la loi sur les échéances ; 4o Un projet de loi sur les loyers, favorables aux locataires, jusques et y compris les loyers de 1.200 francs.

« En attendant que vous me confirmiez ma nomination ou que vous m’ayez remplacé, je resterai à mon poste d’honneur pour veiller à l’exécution des lois de conciliation que nous avons réussi à obtenir et contribuer ainsi à l’affermissement de la République ».

Nous avons obtenu, disait la proclamation. Que signifiait cette cynique