Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/384

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

événements, soulignant les périls que courait la République en raison de l’attitude adoptée par le gouvernement de Versailles et invitant les citoyens à élever leurs cœurs à la hauteur des circonstances. Cette manifestation, suivie de démonstrations dans la rue, porta l’émoi et la crainte dans la partie réactionnaire de la population et sur les invitations du général Espivent de la Villeboisnet, le préfet, amiral Cosnier, crut qu’il importait à la cause de l’ordre de répondre par une contre-manifestation immédiate. Pour ce, il enjoignait dans la matinée du 23 au colonel Jeanjean de faire battre le rappel dans tous les quartiers, afin de rassembler la garde nationale en armes. C’était vouloir mettre le feu aux poudres, comme le lui représenta vainement le maire Bory, précipiter, forcer le mouvement. Les gardes nationaux de l’ordre épouvantés restèrent, en effet, terrés. Seuls se présentèrent les gardes nationaux des quartiers populaires. Ainsi mobilisés, les gardes nationaux ne voulurent pas se séparer avant d’avoir agi, manifesté avec éclat leurs convictions républicaines. Aux cris répétés de « Vive Paris ! Vive la République ! » ils se portent vers la Préfecture. Rien ne défend, ne protège le monument : les « civiques » y pénètrent et y trouvent le maire, le préfet, ses deux secrétaires, un général de brigade et le commandant de Place, qu’ils arrêtent et font prisonniers, sans avoir du reste à se servir une seule fois de leurs armes. Le coup de filet capturant tous les gros personnages officiels rendait la Révolution maîtresse de la place. Les gardes civiques en profitent pour nommer sur le champ une commission municipale composée de Gaston Crémieux, président, Job, Étienne père, tous trois déjà conseillers municipaux, Allerini, Guilhard et Maviel. Devant la foule grossie sans cesse, Crémieux, du haut du balcon de la préfecture, proclame la Commune, annonce que Lyon, Saint-Étienne, Bordeaux, Le Creusot en ont fait autant et indique que des délégués vont être envoyés à Paris pour mise en rapports réguliers du nouveau pouvoir marseillais avec le Comité central. Quelques heures après, le Conseil municipal réuni se ralliait et déléguait trois de ses membres Bosc, Desseroy et Sidore, pour s’adjoindre à la Commission départementale révolutionnaire. Le club républicain agissait à l’avenant, déléguant pour mêmes fins quatre de ses membres, Cartoux, Fulgeras, Barthelet et Émile Bouchet, substitut du procureur de la République. Pressé de toute part, le préfet versaillais, Cosnier, signait enfin entre les mains de Mégy sa démission, apportant la consécration dernière aux faits accomplis. Ainsi, sans avoir versé une goutte de sang, du consentement unanime de la population, semblait-il, la Commune s’installait à Marseille, en pleine solidarité de pensée et d’intention avec la Commune de Paris. C’est ce que disait le lendemain la Commission départementale dans son très ferme et net manifeste : « Citoyens… on espérait nous diviser en deux camps. Marseille a été unanime à déclarer qu’elle soutiendrait le gouvernement républicain régulièrement constitué, qui siégerait dans la capitale. Après avoir échappé au danger, Marseille ne pouvait plus avoir confiance dans l’administration préfectorale :