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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/386

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avec le concours du Conseil municipal et de tous les groupes républicains, une Commission départementale provisoire a été instituée pour administrer la ville et le département… Nous veillons nuit et jour sur la République, jusqu’à ce qu’une autorité nouvelle, émanant d’un gouvernement régulier siégeant à Paris, vienne nous relever de nos fonctions. — Vive Paris ! Vive la République ! »

Les gens de l’ordre, les réacteurs, les bénéficiaires du régime capitaliste ne s’étaient cependant pas plus ralliés à Marseille qu’à Paris, et ils combinaient déjà les moyens en vue d’un retour offensif et d’une revanche. Comme à Paris, ils s’étaient terrés d’abord, comme à Paris, la force armée, les grands chefs se sentant débordés avaient évacué. Le général Espivent de la Villeboisnet ralliant ce qu’il pouvait de troupes, s’était retiré à Aubagne et comme à Paris, encore, les fonctionnaires obéissant à la consigne, s’étaient empressés de rejoindre dans ce petit Versailles, les traîneurs de sabre, faisant le vide autour de la Commission départementale, afin de la mettre dans l’impossibilité d’administrer. Toujours, comme à Paris, les bourgeois radicaux imprudemment montés, en une minute d’entrainement, sur la galère révolutionnaire ne tardaient pas à la fuir. Le substitut Bouchet sautait par-dessus les bastingages pour se sauver à la nage. Tous, les uns après les autres, l’imitaient et tiraient leur coupe vers Aubagne. Les conseillers municipaux revenaient sur leur adhésion, guettaient l’échappatoire. Au milieu de ces difficultés grandissantes, un homme seul ou à peu près, se débattait, luttait, s’efforçant de maintenir solidaires les éléments dont la cohésion, au début, avait fait le succès, Gaston Crémieux, esprit lucide et cœur chaud. Crémieux, en même temps qu’il travaillait à sauvegarder la situation à Marseille, cherchait, comme Digeon l’avait fait à Narbonne, à s’étendre, à rayonner alentour. Mais la confusion et l’anarchie devenaient telles qu’il ne pouvait bientôt plus les dominer. Ainsi qu’il en advint à ses émules parisiens, il se heurtait à l’universelle désorganisation des services, à l’inertie voulue de la bourgeoisie, à l’ignorance et à l’incapacité ouvrières. De guerre lasse, il allait quitter la partie peut-être, quand arrivèrent — c’était le 27 — les délégués du Comité central, Amouroux, Landeck et May, clamant la victoire du peuple dans la capitale. Cette venue, ces nouvelles optimistes réveillent un instant l’ardeur méridionale. Landeck prend la tête du mouvement, préconise les mesures extrêmes, et devant l’opposition de Crémieux, le décrète de modérantisme et veut l’arrêter. Crémieux se réfugie chez des amis, mais revient la nuit même à la préfecture. C’est lui, après tout, qui a provoqué la levée populaire ; la réaction doit le trouver à son poste à l’heure des responsabilités, qu’il pressent prochaine. Le 28, Espivent, au mépris des lois, déclare le département en état de siège. Landeck, au lieu d’organiser la défense, répond par l’arrestation d’un certain nombre de notables de la ville. Nouvelle collision avec Crémieux. Landeck passe outre. Poursuivant son cabotinage, il déclare Espivent hors la loi, le