Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/389

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masses qui s’abandonnent aussi vite qu’elles se sont exaltées et apparaissent incapables de fournir un effort de plus de quarante-huit heures. Mais peut-être ces raisons-là, les générales comme les particulières, n’auraient-elles pas ruiné aussi rapidement et aussi sûrement le mouvement insurrectionnel s’il n’en était venu s’ajouter une autre que Versailles exploita officiellement et que les Versaillais honteux de toute ville et de tout clan exploitèrent plus encore. Le tort de la Commune pour la France, sa tare rédhibitoire fut de ne pas avoir placé à sa tête de personnalités connues, de célébrités consacrées, de « gloires », comme on disait alors. On se demandait dans les départements ; les bourgeois et les ouvriers se demandaient : que sont ces nouveaux venus dont pour la plupart nous n’avons jamais entendu parler ? Que veulent-ils ? Où vont-ils ? C’est triste à dire ; mais c’est le fait : un Victor Hugo, un Louis Blanc, un Garibaldi embarqué dans le mouvement et la France marchait sans doute, s’associait à la levée d’armes parisienne. Le pavillon couvrait la marchandise. Les forces vives du pays allaient, en 1871, sous l’impulsion de Paris à la Révolution sociale, comme elles étaient allées, en 1789, et en 1830 et en 1848, à la Révolution politique.

Faute de cette caution bourgeoise, les prolétaires des départements ne comprirent pas. Après un passager sursaut, ils retombèrent à l’inertie, à la passivité et laissèrent la capitale supporter seule le choc de tout l’effort contre-révolutionnaire. Abandonnons donc cette province qui se raye elle-même de l’action et de la vie et revenons vers l’unique combattant, vers Paris.


APRÈS LA SORTIE


En même temps qu’il détachait de l’insurrection, rejetait dans une sorte de neutralité bientôt hostile les éléments petits-bourgeois un instant entraînés, le désastre du 3 et du 4 avril avait pour effet de ruiner irrémédiablement le crédit et l’autorité de la Commission exécutive. La démission de Lefrançais, ses critiques rétrospectives n’avaient pas peu contribué à ce résultat. Aussi, l’incohérence de Félix Pyat, ses frasques, ses pantalonnades. La Commission traînera quelques jours encore : mais elle est dès lors frappée à mort. Cournet, Delescluze, Vermorel peuvent y entrer, Avrial ensuite : leur présence ne communiquera pas à la moribonde le moindre regain de vitalité.

Sans doute dominée par les événements, insuffisamment secondée, victime de la grève des fonctionnaires fomentée par l’intrigue de Versailles, manquant de personnel, manquant d’information, manquant de temps, la Commission exécutive avait peu ou mal rempli la mission de contrôle supérieur et de direction générale qui lui incombait. Pour les raisons que nous avons détaillées à leur lieu, elle avait été contrainte d’abandonner la conduite des opérations militaires à l’impéritie de généraux novices et imprévoyants, comme elle avait été contrainte pour la police de s’en remettre à la fantaisie brouillonne et agres-