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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/437

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de mensonge et d’alcool, dans les camps où on les dressait à l’ignoble besogne qui allait leur échoir.

« Officiers et soldats, disait le général Ducrot, dans sa proclamation au corps d’armée de Cherbourg, en date du 13 avril, la patrie nous demande un nouvel effort… ; une tourbe de misérables essaie d’établir sur les ruines de notre malheureux pays le triomphe de la paresse, de la débauche, du brigandage et de l’assassinat. Par un affaiblissement moral sans exemple dans l’histoire, Paris est devenu la proie de ces gens, écume d’une trop funeste guerre. Soldats, allons les en chasser !… Allons rejeter à jamais de notre capitale ces insensés et ces scélérats ». Ces basses excitations tombaient malheureusement dans un terrain tout préparé. Elles s’adressaient aux combattants de Sedan et de Metz retour des prisons d’Allemagne, aspirant après une dure captivité au licenciement immédiat et au retour dans leurs foyers, et qui furieux, rendaient, dans leur logique simpliste, Paris et les Parisiens responsables de la nouvelle campagne où ils se trouvaient entraînés, des fatigues et des périls renaissants qui s’offraient à eux au lieu du repos âprement convoité.

Tel était l’état d’esprit des assaillants. Examinons maintenant la situation respective des belligérants. Voici comment s’exprime sur ce sujet l’officier supérieur de l’armée de Versailles dans sa Guerre des Communeux que nous avons déjà plusieurs fois citée :

« Tandis que nos troupes se concentraient, que le génie poursuivait ses travaux, notre artillerie n’était pas tant s’en faut restée inactive. Mettant habilement à profit les tristes et singuliers hasards de la guerre, elle avait disposé ses moyens d’attaque derrière la plupart des épaulements dernièrement construits par les Prussiens et plus de 150 bouches à feu allaient concourir de ce côté (côté sud) à l’attaque des défenses de l’insurrection parisienne… Au moment où tout ce matériel (positions comprises entre le Moulin de Pierre, la Terrasse de Meudon, le Pont de Sèvres et la Terrasse de Saint-Cloud) se mettait en mouvement, on allait commencer à Montretout une batterie de 70 pièces de gros calibre et l’on formait le projet d’établir dans le parc d’Issy une batterie de 20 pièces de 24.

« Dès l’ouverture du feu, le 25 avril, nos batteries endommagèrent notablement le fort d’Issy et le réduisirent momentanément au silence… Le lendemain, 26, le fort se vit littéralement écrasé par nos projectiles. Malgré tout, nos adversaires faisaient rage. Montrouge et Vanves soutenaient vigoureusement Issy. Le Point-du-Jour ne cessait de nous inquiéter. Le bastion 65, la courtine 65-66, le bastion 68 et la batterie de l’Octroi disputaient au Trocadéro l’honneur de toucher le Mont-Valérien. Les pièces de l’Octroi contrebattaient en même temps Meudon et la Lanterne de Demosthène. Quatre locomotives blindées, en panne sur le viaduc, tiraient sans relâche sur notre batterie de Breteuil. Enfin la canonnière Farcy, flanquée de quatre autres canonnières et d’une batterie flottante, attaquait simultanément Sèvres, Breteuil et Brimbo-