Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/452

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La minorité, il est vrai, ne persista pas dans son attitude[1]. Dès le lendemain elle comprit sa faute et elle revint : mais le coup était porté. En dépit de Delescluze qui toujours prêcha la pacification, l’entente, de Gambon qui répugnait non moins aux manœuvres fratricides, de Vaillant qui n’admettait pas qu’on repoussât des collègues, au moment où ils désavouaient eux-mêmes leurs intentions, « comme si on voulait les engager à persévérer dans leur faute », la majorité ne pardonna pas. Un ordre du jour de conciliation présenté à la séance du 17 où soixante-six membres de la Commune, toute la majorité et toute la minorité, étaient présents, est repoussé et c’est en frères ennemis que Jacobins et Fédéralistes s’en furent à la bataille dernière, aux barricades, à la mort.

C’est bien fini, en effet, à la date où nous sommes. Le salut ne viendra pas de l’intérieur, de Paris où la Commune se déchire de ses propres mains, où le Comité central essaie encore et essaiera jusqu’à son dernier souffle d’assouvir son ambition de direction déçue, où les généraux livrés à eux-mêmes, sans plan d’ensemble qui relie et solidarise leur action, se battent comme ils peuvent avec les hommes de bonne volonté qu’ils rencontrent à leur portée, où la bourgeoisie grande, moyenne et petite a définitivement lâché pied, laissant le prolétariat déjà saigné à blanc seul en face de Versailles pour l’ultime règlement de comptes. Le salut ne viendra pas davantage de l’extérieur, de la France.

Un instant pourtant on aurait pu l’espérer. Les élections municipales du 30 avril avaient affirmé, en effet, solennellement l’attachement du pays au régime issu de la Révolution du 4 septembre. Dans les grandes villes, dans les centres industriels et commerçants, au Nord comme au Midi, des listes nettement démocratiques, républicaines, sans restriction, l’avaient emporté. Si bien qu’à peine élues les nouvelles municipalités avaient résolu de s’aboucher ensemble et de convoquer un vaste Congrès qui aurait eu mandai de s’interposer entre l’Assemblée nationale et la Commune pour une paix basée sur la reconnaissance de la République et l’octroi de larges franchises communales. Ce Congres devait se tenir à Bordeaux au cours de la première quinzaine de Mai.

À l’annonce de ces desseins, l’Assemblée nationale et Thiers avaient sursauté et Picard, ministre de l’Intérieur, avait immédiatement formulé par la voie de l’Officiel l’interdiction la plus nette et la plus comminatoire.

« Les déclarations et le programme publiés par le Comité départemental, disait la note du ministre, établissent que le but de l’Association est de décider entre l’insurrection, d’une part, le gouvernement de l’autre, et de substituer

  1. Elle avait été avertie discrètement mais fermement par ses amis du premier degré. C’est ainsi que le Conseil fédéral de l’Internationale, tout en appréciant la loyauté de ceux de ses membres qui faisaient partie de la minorité « les invita à maintenir l’unité de la Commune. »