Page:Jaurès - Histoire socialiste, XI.djvu/70

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Sera-ce par des arrangements directs avec les gouvernements du Midi ou en laissant le Parlement douanier consommer l’union avant qu’elle soit stipulée ? Je ne saurais vous le faire pressentir à aucun degré. Ce que je crois fermement, c’est que du jour où l’état de l’Europe le lui permettra, et dès que les choses en Allemagne lui paraîtront arrivées au point où il les pousse, il exécutera rapidement le plan qu’il a conçu, et soit au titre définitif d’empereur, soit au titre temporaire de président de la Confédération germanique, le roi de Prusse sera proclamé souverain de l’Allemagne.

« S’il est de mon devoir de vous soumettre l’imminence plus ou moins prochaine d’une si grave éventualité, il n’appartient qu’au gouvernement de l’Empereur de l’envisager dans toutes ses conséquences, et de déterminer les devoirs qu’elle lui impose. Je vous demanderai, toutefois, la permission de vous soumettre quelques courtes réflexions. Si difficile qu’il soit, pour un grand pays comme la France, de tracer d’avance sa ligne de conduite dans l’état actuel des choses et quelque grande que puisse être la part qu’il convienne de faire à l’imprévu, l’union de l’Allemagne sous un gouvernement militaire fortement organisé et qui, à certains égards, n’a du régime parlementaire que les formes extérieures, constitue cependant un fait qui touche de trop près à notre sécurité nationale pour que nous puissions nous dispenser de nous poser et de résoudre sans plus tarder la question suivante : « un pareil événement met-il en danger l’indépendance de la position de la France en Europe, et ce danger ne peut-il être conjuré que par la guerre ? »

Si le gouvernement de l’Empereur estime que la France n’a rien à redouter d’une si radicale altération dans les rapports des États situés au centre du continent, il serait désirable, à mon sens, dans l’intérêt du maintien de la paix et de la prospérité publiques, de conformer entièrement et sans réserve notre attitude à cette conviction.

« J’ai dit plus haut comment on envisage, en Allemagne, les sentiments de l’opinion publique en France et ceux mêmes du gouvernement de l’Empereur ; on nous suppose des intentions hostiles, et je n’ai pas cru me tromper en ajoutant qu’on considère généralement un conflit entre les deux pays comme certain, sinon comme imminent. Toutes nos déclarations pour démentir ces conjectures et ces appréhensions sont restées infructueuses ; les réserves dont nous les avons quelquefois accompagnées ont, au contraire, contribué à les affermir. La Gazette de Weser, journal officieux, était l’interprète des vœux du public allemand autant que l’organe du gouvernement prussien quand, dans un article auquel le Constitutionnel a cru devoir répondre, elle regrettait que l’Empereur n’ait pas affirmé, de manière à lever tous les doutes, sa résolution de ne pas s’immiscer dans les affaires allemandes. C’est, qu’en effet, pour le Gouvernement prussien, comme pour les partis qui l’appuient, il ne s’agit plus aujourd’hui de savoir comment il peut nous convenir d’apprécier le développement qui a été donné à la Confédération du Nord, c’est de la