Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/145

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tion extrême et l’avait même parfois interrompu pour l’approuver, car il ne trouvait guère qu’un côté défectueux « la détermination de la pénalité, trop faible, selon lui, pour constituer une sanction sérieuse ». Sur les revendications légitimes du prolétariat en faveur de ses « petits », sur les conditions effroyables dans lesquelles ils étaient placés dans les usines, sur les effets du régime industriel en ce qui touche l’apprentissage et ses répercussions sur la main-d’œuvre, l’ancien membre du gouvernement, l’ancien président de la Commission ouvrière du Luxembourg, l’auteur de tant de brochures et d’articles sur le socialisme était resté muet.

Quant au prolétariat agricole, nous l’avons indiqué, il restait confiné dans son silence et son travail. Il ne songeait qu’à la paix et les agitations politiques étaient pour le troubler. Cependant, dans les régions vinicoles, il allait être arraché à sa quiétude par une crise qui devait porter sa misère à son maximum d’intensité, en même temps qu’il allait grossir ses rangs d’un grand nombre de petits et moyens propriétaires ruinés par cette crise. Le phylloxéra faisait son apparition, la vigne était atteinte, elle agonisait, elle mourait, malgré tant de remèdes inventés, appliqués, mais tous impuissants à enrayer la marche du fléau. C’était la ruine de la majeure partie de ceux qui possédaient les vignobles ; c’était la misère noire pour ceux qui, par leur travail, les mettaient en valeur. Ce phénomène douloureux, frappant inexorablement toute une population dans ses conditions d’existence, allait faciliter la pénétration des idées socialistes dès que le mouvement serait organisé.

Enfin, la délégation ouvrière envoyée à l’exposition de Vienne à l’aide, d’une souscription publique organisée par la presse républicaine, l’Assemblée ayant refusé de voter un crédit à cet effet, allait mettre des représentants du prolétariat en contact avec des travailleurs étrangers. Toute sage, modérée que fut et que put être cette délégation, elle rapporta de son voyage d’études des impressions assez fortes pour que quelques uns des membres qui la composaient fissent un pas en avant et comprissent qu’il était impossible de laisser les travailleurs de France à la merci des dirigeants. Entre ceux-ci et les propagandistes socialistes un rapprochement prochain allait s’accomplir.