Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la Seine, fit une déclaration aussi nette qu’inattendue : « Parmi les raisons que vous donniez du ralentissement des affaires, tous avez parlé des préoccupations d’ordre politique et du doute qui persiste dans l’esprit public sur la stabilité du gouvernement. J’aurais compris ces craintes il y a quelques mois ; aujourd’hui elles ne me paraissent pas fondées. Le 19 novembre, l’Assemblée m’a remis le pouvoir pour sept ans, mon principal devoir a été de veiller à l’exécution de cette décision souveraine. Soyez donc sans inquiétudes : pendant sept ans je saurai faire respecter de tous l’ordre de choses légalement établi. »

Cette déclaration que l’on savait dictée ne fit qu’exaspérer les irritations causées par la circulaire aux préfets. Il ne restait au parti républicain qu’à en profiter pour déterminer la complète scission entre l’extrême droite légitimiste, appoint important nécessaire, et le Cabinet. C’est ce sentiment qui dicta l’interpellation de MM. Gambetta, Lepère, Pascal Duprat, Henri Brisson, Challemel-Lacour, Pelletan et Peyrat, qui fut discutée le 18 mars. M. Challemel-Lacour la développa dans un discours très serré d’argumentation, magnifique de forme et qui provoqua une émotion considérable ; l’orateur conclut par deux questions extrêmement précises :

« 1o En déclarant le 22 janvier, le pouvoir septennal élevé au-dessus de toute contestation, le Ministre a-t-il entendu déclarer que toute tentative de restauration était interdite ?

« 2o Le ministère ne se propose-t-il pas de veiller à l’exécution des lois destinées à réprimer toute tentative ayant pour objet de changer le gouvernement établi ? »

La réponse de M. le duc de Broglie fut aussi embarrassée que la rendaient embarrassante le discours du porte-parole de la gauche, et une déclaration de M. Cazenove de Pradines qui avait affirmé qu’en votant le septennat l’Assemblée n’avait jamais entendu renoncer à son droit de proclamer la monarchie. La discussion, toutefois, se termina par la victoire du ministère. Mais les légitimistes ne désarmaient pas et, symptôme grave pour la solidité de la majorité ministérielle, les bonapartistes relevant audacieuse ni la tête, par une lettre publique de M. Rouher, affirmaient leur intention de « donner leur concours au septennat », mais affirmaient aussi ne pas vouloir être dupes de ce qu’ils considéraient une « trêve » durant laquelle ils entendaient ne pas se laisser jouer par leurs alliés.

C’était la défiance installée en pleine coalition conservatrice, mais une profonde division se manifestait déjà dans les rangs du parti républicain. Tandis que M. Gambetta et ses amis, orientant leur politique, modéraient sinon leur programme, du moins leur allure, et semblaient se rapprocher du centre gauche, une portion, sinon importante au point de vue numérique du moins quant à son activité, prenait une attitude plus nette se maintenait sur le terrain des principes, dans les lignes du traditionnel programme républicain. De