Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/16

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épisodes caractéristiques dont il illustra les plus saisissantes de ses pages de la Comédie Humaine.

Si intense fut cette activité industrielle, commerciale et financière, qu’elle ne se ressentit même pas des agitations politiques, cependant si profondes dans tout le pays, sur lequel s’exerçait, par le développement de la presse encore limité par le cautionnement et des lois draconiennes, la répercussion des débats retentissants de l’Assemblée nationale et des multiples, troublantes intrigues se nouant et se dénouant dans les couloirs du Palais de Versailles ; dans les cercles et salons politiques. Chaque jour démasquait une manœuvre ; une conspiration ayant pour but le renversement de la République au profit d’un prétendant. Henri V ou un prince d’Orléans. Le parti bonapartiste lui-même, malgré la réprobation que lui valaient bien plus les désastres militaires que les dix-huit années d’arbitraire, de tyrannie, ne renonçait à l’espérance. Mais, si la République était entourée d’ennemis, sans compter les amis perfides, plus dangereux encore, elle comptait des partisans républicains de la veille et de l’avant-veille, des partisans d’instinct venus à elle, parce qu’une terrible expérience avait ouvert leurs yeux sur tous les dangers que peut courir un pays, quand il abandonne ses destinées aux mains d’un homme, roi ou empereur.

La République apparaissait à ces ralliés, citadins ou paysans, parisiens ou provinciaux, ouvriers ou bourgeois, d’abord comme une garantie de la paix. Car, malgré les paroles de « revanche » qui déjà se prononçaient, parfois fort imprudemment, par douleur ou ostentation patriotique, on sentait bien que, seule, la République pouvait vivre, se développer sans gloire militaire, tandis qu’une dynastie, même malgré elle, tôt ou tard, par la force même par la puissance de la tradition, par l’impérieux besoin de s’auréoler, maintenir, serait lancée dans des aventures guerrières. Puis, une restauration aurait été le signal d’une formidable guerre civile, et la majorité du pays était avide de paix extérieure et de tranquillité intérieure. Du reste, en ce qui touchait l’élément intelligemment conservateur, la République de 1848 n’avait-elle pas démontré qu’elle était capable de faire régner l’ordre, de défendre les privilèges contre les revendications prolétariennes ? tandis que le monde travailleur, de son côté, avait l’intuition que, seule, la République, améliorée par lui, conquise lentement par lui, pouvait devenir l’instrument de l’amélioration de son sort d’abord, de son émancipation intégrale ensuite.

C’est à ce sentiment qu’il faut attribuer le rapide acquiescement de la majorité du pays à la République, malgré la propagande active de tous les partis de réaction, puissamment aidés par une administration toute à leur dévotion, un clergé stimulé par le Vatican. Il faut reconnaître, en outre, que les tiraillements, les menaces haineuses, l’impuissance ridicule des droites