Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/170

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réalités du moment, une vérité incontestable : l’impression causée par le discours de M. de Laboulaye s’était atténuée et le trouble jeté parmi le centre-droit s’était dissipé ; afin d’empêcher une résolution immédiate, sur la proposition de M. de Castellane, le renvoi du vote à une séance ultérieure avait été adopté ; il restait du temps aux ennemis de la République, même purement nominale, pour manœuvrer et rallier la partie trop flottante de la majorité royaliste.

M. Louis Blanc n’avait certainement pas tort de poser nettement à la tribune les questions de principe qui avaient toujours figuré au premier plan du programme de la fraction la plus avancée du parti républicain ; il importait de ne pas les laisser oublier, de ne pas les passer sous silence, au moment même où légitimistes, orléanistes et bonapartistes clamaient hautement leur attachement aux régimes qui leur étaient chers, mais, certainement, il était dangereux de se séparer du parti républicain à l’heure où la question se posait entre la République et la Monarchie. Puis, peut-être, M. Louis Blanc était-il mal placé pour parler si haut au nom des principes. N’était-il pas resté à son banc, parmi cette Assemblée de réacteurs, alors que se faisait le second siège de Paris, et qu’étaient fusillés les parisiens qui, eux, défendaient la République vraiment républicaine ?

La séance s’était terminée par le vote à mains levées du paragraphe 1er de l’article 1er du projet de M. Ventavon : dans la séance du 29 eût lieu le vote sur l’amendement Laboulaye. Les manœuvriers de droite n’avaient pas perdu de temps durant le répit que leur avait valu le renvoi du vote ; le rappel de tous les absents avait été battu ; les malades eux-mêmes s’étaient fait transporter à la séance. Cinq représentants seuls ne prenaient pas part au vote : MM. Louis Blanc, Nevral, Marcou, Edgar Quinet et Madier de Montjau. Entourés, sollicités, objurgués, ils cédèrent et déposèrent leurs bulletins dans l’urne. Il était quatre heures et demie environ quand le président proclama le résultat du scrutin : l’amendement Laboulaye n’était pas adopté ; il avait rallié 336 voix, mais 359 étaient prononcées contre lui. Tout espoir semblait perdu pour les républicains. C’était un septennal perfectionné qui allait sortir triomphant de ces laborieux et passionnés débats, c’est-à-dire un gouvernement d’attente pour les monarchistes. — Il y avait de quoi inquiéter, sinon décourager. — Mais il était réservé à un représentant obscur, M. Wallon, de produire un amendement qui allait, soudain, changer la face des choses et engager une partie du centre droit dans la voie républicaine. Cet amendement ou plutôt cette disposition additionnelle portait :

« Le président de la République est élu à la pluralité des suffrages par le Sénat et la Chambre réunis en Assemblée nationale. Il est nommé pour sept ans et est rééligible. »

Ce fut un étonnement profond sur tous les bancs. On ne saisissait pas bien le caractère de cette disposition ; elle paraissait prêter à équivoque. Un moment