Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/22

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justifier la répression et retarder de fatales explications, de fatales revendications.

Malgré toutes leurs habiletés, leurs perfidies, les partis conservateurs aveuglés commettent des maladresses. Ils en commirent plus d’une, dès qu’ils se sentirent à l’abri de tout retour offensif des vaincus. De même qu’après les journées de juin 1848, ils avaient fait du « Communisme » le bouc émissaire de l’insurrection, ils firent de l’Internationale le bouc émissaire de la Révolution du 18 mars. C’était sous son influence que l’explosion s’était produite ; c’était sous son influence qu’au cours de son tragique déroulement s’étaient produites ses idées dominantes en matière ouvrière et sociale : c’était l’Internationale qui devenait la grande responsable de tout ce qui s’était passé depuis l’exécution des généraux Clément-Thomas et Lecomte jusqu’aux incendies qui, durant les derniers jours de Mai, avaient enveloppé Paris.

La lecture des journaux de cette époque, notamment ceux de province, édifie sur la manœuvre, sur le rôle d’épouvantail donné à l’Association dont l’origine remontait à l’Exposition universelle de Londres, en 1862. Et, cependant, son intervention, son rôle avaient été très effacés, pour ainsi dire nuls durant la Commune, malgré le nombre de ses adhérents : peut-être cette abstention fut-elle une erreur. Sans doute, les idées fondamentales de son programme furent-elles mises en lumière, discutées à l’Hôtel-de-Ville et dans les clubs, inspirant certaines mesures de second plan ; mais il n’y eût pas d’intervention officielle proprement dite. Au reste, les pensées étaient-elles surtout sollicitées par l’impérieuse nécessité de faire face aux exigences militaires qui dominaient la situation.

Le nombre des groupes de l’Association fondés à Paris et en province, leur fonctionnement régulier, la présence de délégués français aux congrès internationaux démontraient qu’elle avait trouvé un accueil sympathique. Son rapide développement avait inquiété les esprits, le pouvoir et, durant les dernières années de l’Empire, de retentissants procès avaient singulièrement servi la propagande dont la répercussion aurait été vive, féconde, sur la classe ouvrière, si la guerre franco-allemande n’était venue perturber les esprits.

Si la manœuvre conservatrice devait produire ses effets parmi la société bourgeoise, il en devait être autrement parmi la classe ouvrière. En effet, pendant la guerre, les seules sympathies manifestées à la France républicaine durant ses douloureuses épreuves, lui étaient venues des travailleurs conscients du monde entier qui, malgré ses défaillances, son oubli de soi même pendant les dix-huit années de despotisme impérial, malgré sa défaite, avaient encore foi en son génie révolutionnaire et ne pouvaient oublier les immenses services rendus par ses hardies initiatives à la démocratie universelle. N’en trouvait-on pas un témoignage éclatant dans les courageuses, officielles manifestations de la démocratie-socialiste allemande qui, par la voie de ses représentants, protestait après le 4 septembre, contre la continuation de la guerre