Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/228

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parisiens, contre lesquels on les avait soigneusement tenus en garde, de crainte d’une contamination trop républicaine et socialiste. Mais le contact ne fut pas cependant stérile, malgré un trop bref séjour et presque complètement employé à visiter l’Exposition.

C’est durant l’Exposition que fut célébré le Centenaire de Voltaire, au grand désespoir des cléricaux qui, en manière de protestation, tentèrent d’organiser une manifestation en faveur de Jeanne d’Arc. Ils opposaient la vaillante paysanne lorraine à l’auteur de La Pucelle ; n’était-ce pas l’Église qui l’avait envoyée au bûcher ?

Divisés sur cette grave question, cléricaux et républicains de gouvernement allaient, à quelques jours près, se trouver unis contre l’ennemi commun, contre l’ennemi des privilèges de leur classe, contre le socialisme qui manifestait, une fois de plus, sa vitalité, ses progrès. La preuve n’allait pas tarder à se faire.

Le Congrès corporatif de Lyon tenu l’année précédente et où, si elles avaient pu être exposées, les idées collectivistes n’avaient obtenu l’adhésion que d’une fort mince minorité, avait décidé qu’un Congrès international ouvrier serait tenu à Paris, en septembre 1878, l’Exposition décidée en fournissait l’occasion. Les Chambres syndicales ouvrières de Paris avaient naturellement été chargées de toute l’organisation. Alors que tant de Congrès internationaux, de toute nature, étaient projetés, un Congrès international ouvrier paraissait normal, légitime ; c’était peu connaître la bourgeoisie française, même républicaine. Contre les socialistes, contre les travailleurs, sans que de nombreuses protestations se fussent élevées, l’Assemblée nationale n’avait-elle pas forgé la loi sur l’Internationale ? Allait-on permettre qu’elle se réorganisât en plein Paris ? Et le ministère républicain pour donner satisfaction aux conservateurs de droite et de gauche, sur ce terrain ils formaient une majorité compacte, s’empressa d’interdire le Congrès. La Commission chargée de l’organisation fut vivement impressionnée par l’interdiction communiquée par la Préfecture de police et elle abandonna la partie qui fut aussitôt reprise par les organisations socialistes révolutionnaires dont ce devait être une première et éclatante manifestation. Elles préparent le Congrès aidées par une demi-douzaine de Chambres syndicales qui ne se sont pas laissé intimider. Une salle, rue des Entrepreneurs louée par le citoyen Isidore finance, non pas collectiviste, mais positiviste déterminé, ira servir de lieu de réunion, de réunion privée, pour mettre le Congrès sous la garantie et la protection de la loi. Les Chambres syndicales sont revenues de leur premier mouvement de recul : encouragées par l’initiative hardie des socialistes, elles se sont ralliées et ont décidé d’envoyer leurs délégués au Congrès. Mais la police, cette police à laquelle M. de Marcère avait recommandé de « se montrer libérale dans l’application des lois », attend les organisateurs à la porte de la salle qu’elle a fermée ; elle les arrête et le parquet les poursuit ! Ceci paraîtra bien naturel, puisque, jusqu’à ce jour,