Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

programme était modéré d’aspect, mais c’était un programme de travail nettement limité à certaines questions, parmi lesquelles les lois sur l’enseignement, les lois sur le droit de réunion, sur la presse, sur les syndicats professionnels, sur la réforme judiciaire. Pour cette tâche, le Cabinet demandait à la Chambre de lui faire confiance. La réforme judiciaire qui vint la première en discussion n’aboutit que sur la question du personnel qui fut sensiblement réduit comme nombre. Vint, enfin, la réforme sur laquelle une grande bataille allait se livrer et mettre en ligne les meilleurs et les plus ardents orateurs des deux côtés de la Chambre. La gratuité de l’enseignement primaire venait en première ligne elle fut adoptée à une forte majorité. Un mouvement d’opinion provoqué dans le pays sous l’inspiration et la direction de Jean Macé, le fondateur de la Ligue de l’Enseignement, avait fait aboutir cette loi si essentielle que devait compléter l’obligation, la laïcité étant déjà acquise. À l’instruction religieuse fut substitué l’enseignement moral et civique, mais toute conception religieuse n’en était pas bannie. Il y avait déjà un sérieux progrès réalisé.

Au dehors la guerre russo-turque qui avait inspiré, dès ses débuts, de vives anxiétés pour la paix de l’Europe, s’était terminée par la victoire de la Russie dont la mobilisation, la concentration avaient révélé la très défectueuse organisation militaire. Un ordre de choses nouveau naissait en Orient où les principautés danubiennes, libérées du joug ottoman, allaient ressentir dans leur organisation intérieure les nombreuses répercussions des convoitises et des intrigues de leurs puissants voisins. La Conférence de Berlin avait réglé la situation créée par le traité de San Stefano, mais le Sultan n’avait cédé, n’avait donné de réponse ferme que sous la menace d’une démonstration combinée des forces navales de l’Europe devant Constantinople. La paix semblait désormais assurée, malgré les agitations inquiétantes de ceux qui, sous couleur de patriotisme, faisaient entendre des menaces de prochaine revanche contre l’Allemagne. Cette agitation qui devait, peu à peu, se transformer en mouvement politique dirigé contre la République, rallier les cléricaux et les réacteurs de toute nuance, prenait corps et causait de vives préoccupations.

Enfin, s’engageaient en Tunisie la série des opérations financières et diplomatiques qui, l’année suivante, allaient déterminer l’expédition militaire, source de difficultés diplomatiques et politiques, source de violentes et persistantes animosités de l’Italie contre la France.