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Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/322

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HISTOIRE SOCIALISTE

sous la loi suprême du suffrage universel, que la classe ouvrière se développe et agit. Les conditions de l’action ne sont plus celles que le marxisme avait prévues : mais la méthode essentielle du prolétariat doit bien être celle qu’il avait esquissée : la méthode complexe d’une classe à la fois très vivante et très âpre qui se mêle à tous les mouvements pour les ramener sans cesse à sa propre fin. Comment pourra-t-il se passionner à l’œuvre de réforme, et la rattacher sans cesse à son idéal révolutionnaire ? Comment pourra-t-il contribuer au développement de la production et intervenir comme classe dans le fonctionnement de la vie capitaliste sans s’immobiliser dans ses cadres ? Il n’entre pas dans le dessein de l’Histoire Socialiste de résoudre ces difficultés qui presseront demain et le Parti socialiste et la Confédération générale du Travail. Mais ce que cette Histoire démontre, c’est que le socialisme a grandi dans la société née de la Révolution, parce qu’il a su tour à tour ou en même temps se répandre et se concentrer. Il a été tout ensemble dans la démocratie et au-dessus d’elle, et c’est la marque de la puissance vitale du prolétariat français qu’il n’ait pas succombé à la difficulté de cette tâche en apparence contradictoire mais, qu’au contraire, il s’y soit fortifié.

Créer la démocratie en la dépassant a été, durant un grand siècle tourmenté et fécond, l’œuvre de la classe ouvrière. Diriger la démocratie en la dépassant et l’obliger enfin à se hausser au socialisme, ce sera sa grande œuvre de demain.


Jean Jaurès