Page:Jaurès - Histoire socialiste, XII.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE VII


Suite de la répression. — Cours d’assises et Conseils de guerre. — À Versailles et en province. — Les vaincus livrés aux vainqueurs. — Une statistique. — Les fusillés. — La Commission des grâces.


Entre temps s’était posée une question assez grave : le désarmement des gardes nationales, effectué, du reste, en fait dans les villes où avaient éclaté des mouvements insurrectionnels.

Les droites de l’Assemblée, qui poursuivaient leurs tentatives de restauration et nourrissaient malgré les faits quotidiens les plus folles espérances, se préoccupaient des résistances que pourrait rencontrer la réalisation légale ou illégale de leurs projets. Le mouvement républicain qui se manifestait sur bien des points du territoire les inquiétait vivement : il fallait que, le jour venu, pas un effort énergique ne put leur être opposé ; pour cela, il fallait désarmer les gardes nationales et la proposition en avait été déposée.

M. Thiers, qui, cependant, venait de donner des gages terribles de son attachement à la cause de l’ordre ; qui entretenait les espoirs de tous les partis de droite ou du centre, trouva la proposition inopportune, au moins quant à sa mise en pratique immédiate et simultanée. Il ne la repoussait pas en principe, quoiqu’il eut préféré la réorganisation sur des bases donnant toutes garanties pour « l’ordre » ; il voulait la pratiquer dans les conditions qu’il jugerait opportunes. « Jamais, déclarait-il, je n’accepterai d’agir à jour fixe sur tous les points du territoire ». Cette fois, le chef du pouvoir exécutif tint bon, malgré l’attitude particulièrement vive de quelques modérés et du général Chanzy qui, en cette circonstance, s’était fait l’homme des droites et était rapporteur de la proposition. M. Thiers obtint gain de cause ; le général Ducrot, dont l’incapacité et la vantardise étaient devenues fameuses depuis la guerre, depuis le siège de Paris surtout, apporta à la tribune la capitulation de la Commission et il resta entendu que le gouvernement, par des arrêtés successifs pris par lui et échelonnés à sa guise, les gardes nationales seraient dissoutes. La République nouvelle se montrait plus réactionnaire que la monarchie et l’Empire.

M. Thiers avait blessé une fois de plus toute la droite par une phrase cinglante : « Comment, vous avez entre Paris et Versailles 120.000 hommes de cette armée qui a forcé les portes de Paris, et vous n’êtes pas tranquilles ! »