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Page:Jaurès - L'Armée nouvelle, 1915.djvu/21

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de vaincre, comment tant d'officiers de haute conscience et de haute raison ont-ils encore, à l'égard du vaste mouvement ouvrier socialiste et internationaliste, une si déplorable défiance ? Dans l'intérêt même de la défense nationale, ii faut que ce malentendu disparaisse.

Il ne s'agit pas pour les officiers de souscrire à telle ou telle formule d'organisation sociale. Il s'agit pour eux de reconnaître l'admirable trésor de force morale que contient le socialisme ouvrier, aussi épris de liberté nationale que de solidarité humaine : car sans la puissance d'idéal et de foi qui est là et qui n'est que là, ils ne pourront pas accomplir leur œuvre propre, qui est de préserver de toute atteinte, et même de toute menace, l'indépendance de la patrie.

Gambetta n'avait ni dans l'intelligence ni dans l'âme aucun parti pris sectaire : pour le salut de la nation il faisait appel à toutes les forces de la nation, aux gloires du passé comme aux espérances de l'avenir, aux splendides souvenirs de la vieille monarchie comme aux souvenirs ardents de la Révolution. Mais il savait dès lors, et il proclamait en pleine tourmente, que la France était inséparable de la République. Il savait et il proclamait que seule la République pouvait offrir un centre de ralliement et d'action à toutes les énergies nationales. Les gloires du passé ne sont vivantes que pour les pays vivants. Ainsi la France républicaine et démocratique pouvait seule, étant la vie, la passion, la flamme, concilier et fondre pour la défense de la patrie les partis, les classes, les époques. Ce que Gambetta, si large que fût sa pensée, reprochait aux timides et inertes défenseurs de Paris, c'est precisement de n'avoir pas fait appel, pour le salut de la capitale investie, â l'élan républicain du peuple. Mais quand le général Chanzy donnait à Gambetta un concours loyal et passionné, quand il s'unissait à lui pour organiser la résistance, pour la prolonger, quand il proclamait avec lui, contre tous les conseils de sagesse ou de faiblesse, contre les désaveux répétés du destin, que rien n'était perdu tant