Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/13

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base plus solide, la fortune de Boulanger. Quand son entourage clérical vit qu’il souriait à cette pensée, il le brusqua en communiquant aux journaux le nom de l’officier prévenu. Plus tard, l’Éclair s’est vanté qu’il a fallu enlever de vive force son assentiment. Mais quand il eut sauté le pas, quand il se fut livré à la Libre Parole, quand il eut mis toute sa fortune ministérielle sur cette carte, à tout prix il voulut gagner la partie.

Qu’on joigne à cela la sottise de tout le personnel judiciaire de l’armée, qu’on se rappelle la lamentable imbécillité de Besson d’Ormescheville et de Ravary, on comprendra qu’en ces cerveaux fatigués, l’erreur la plus grossière ait pu germer.

Et par une sorte de fatalité, il se trouve qu’au conseil de guerre qui doit juger Dreyfus, il n’y a aucun officier d’artillerie. Peut-être un officier d’artillerie eût-il fait observer aux juges que le bordereau contenait des détails inapplicables à un artilleur. Il y a notamment à propos du frein hydraulique, substitué par l’auteur du bordereau au frein hydropneumatique, une erreur qu’un officier d’artillerie n’aurait pu commettre.

Personne, au conseil, n’a pu avertir les juges. Et ceux-ci, délibérant sous la communication impérative de pièces secrètes, ont condamné comme à la manœuvre.

Ainsi, bien loin qu’il faille s’étonner de la con-