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HYPOTHÈSE ABSURDE


I

Que vaut donc cette hypothèse du décalque ?

J’observe tout d’abord que, quelle que soit la réponse, le procès de 1894, tel qu’il a été institué contre Dreyfus, s’écroule misérablement. S’il n’y a pas eu décalque, s’il est faux qu’on puisse expliquer par un décalque l’identité d’écriture du bordereau et d’Esterhazy, c’est donc qu’Esterhazy est l’auteur du bordereau.

Et s’il y a eu décalque, si le bordereau a été fait avec des mots d’Esterhazy décalqués par un autre homme, comment peut-on savoir que cet autre homme est Dreyfus et que deviennent les conclusions des premiers experts ?

Parmi ceux-ci, les uns, comme MM. Charavay et Teyssonnières, ont reconnu dans le bordereau l’écriture et la main de Dreyfus. Ils se sont évidemment trompés, puisque dans le système d’Esterhazy, c’est avec l’écriture décalquée d’Esterhazy qu’a été fait le bordereau.

Quant à M. Bertillon, il a bien parlé, lui, d’un décalquage ; mais il a affirmé que Dreyfus avait décalqué sa propre écriture et celle de son frère Mathieu Dreyfus. Pas un mot, et pour cause, d’Esterhazy.

Donc, dans l’hypothèse où le bordereau serait fait avec de l’écriture d’Esterhazy décalquée, toutes les expertises du procès Dreyfus tombent et il ne reste plus aucune raison d’attribuer le bordereau à Dreyfus.

Se trouvera-t-il, en effet, un seul expert qui osera dire que dans la manière dont a été décalquée l’écriture d’Esterhazy il reconnaît la main de Dreyfus ? Non : depuis que l’écriture d’Esterhazy est connue, depuis que l’identité de cette écriture à celle du bordereau a apparu, il ne reste rien, il ne peut rien rester des expertises du procès de 1894, car il a manqué aux experts, pour se