Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/203

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sion du procès Dreyfus, le lieutenant-colonel Henry, avec les autres officiers de l’État-Major, s’y oppose par tous les moyens, par toutes les manœuvres.

Et pourtant, il y a un point sur lequel ils sont d’accord : c’est que la fameuse pièce : « Ce canaille de D… » ne fait pas partie du dossier Dreyfus.

Le lieutenant-colonel Picquart, on le sait, affirme qu’elle n’est pas applicable à Dreyfus. Il l’a affirmé encore publiquement, dans sa lettre à M. Brisson, en réponse aux discours de M. Cavaignac. Et le lieutenant-colonel Henry, lui, a déclaré publiquement devant la cour d’assises ceci (Compte rendu sténographique, tome I, page 375) :

Jamais la pièce « Canaille de D… » n’a eu de rapport avec le dossier Dreyfus. Je le répète : Jamais, jamais, puisque le dossier est resté sous scellés depuis 1895 jusqu’au jour où, au mois de novembre dernier (1897), M. le général Pellieux a eu besoin du bordereau pour enquêter au sujet de l’affaire Esterhazy : par conséquent, la pièce « Canaille de D… » n’a aucun rapport avec l’affaire Dreyfus, je le répète. Alors, je me suis mal expliqué ou on m’a mal compris. Mais je le répète devant ces messieurs que jamais ces deux pièces, le dossier Dreyfus et la pièce « Canaille de D… », n’ont eu aucun rapport.

Voilà qui est catégorique et c’est un officier du bureau des renseignements qui parle. La conséquence est claire. La pièce « Canaille de D… » reçue en mars ou en avril 1894, six mois avant le procès, a donné lieu à une enquête. Cette enquête, qui n’a pas abouti, n’a pas été une minute, une seconde, dirigée contre Dreyfus, que rien ne permettait de soupçonner. Et la pièce a été classée dans un dossier distinct.

Même quand le bordereau est découvert, quand Dreyfus est soupçonné et accusé de trahison, les bureaux de la guerre ne songent pas à lui faire application de cette pièce : l’initiale D leur paraît si peu décisive que même