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III

Enfin, qui ne voit que, dans ces lettres, il ne peut être question d’un officier d’État-Major ? Voyons, les attachés militaires étrangers auraient cette bonne fortune : un officier d’artillerie, ancien élève de polytechnique, attaché à l’État-Major, travaillant au ministère de la guerre, leur livre des documents et ils se demandent s’ils continueront leurs relations avec lui ! L’un d’eux écrit à l’autre : « Je lui ai dit que vous ne vouliez pas reprendre les relations et qu’il était fou. Faites ce que vous voudrez. »

Évidemment il s’agit d’un bas aventurier, d’un agent infime qui peut bien parfois, grâce au désordre des grandes administrations militaires, dérober quelques papiers intéressants, mais qui n’offre pas aux attachés des garanties sérieuses. Il les fatigue de ses exigences d’argent, il les rebute par l’insuffisance ou la sottise des renseignements que le plus souvent il leur donne. Sur le point d’être congédié et de perdre son misérable gagne-pain, il proteste qu’à l’avenir il fera mieux, qu’il tâchera « de satisfaire ».

Ce ne sont pas là les rapports des attachés avec un officier disposant des documents les plus importants et dispensé par sa fortune des platitudes écœurantes du mercenaire D… Les attachés militaires n’auraient pas aussi aisément songé à se priver du concours d’un traître de marque placé exceptionnellement pour les servir et dont, à coup sûr, ils n’auraient pas retrouvé l’équivalent.

Voilà sans doute ce que Dreyfus et son avocat auraient répondu aux pièces secrètes, du moins aux deux premières, s’ils les avaient connues. Mais on s’est bien gardé de les leur soumettre, et traîtreusement on a accablé Dreyfus d’un document qu’il n’a pu discuter.