Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/217

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C’est à Berlin, c’est à Rome, qu’ils expédiaient les documents remis par le traître : ils avaient dû évidemment indiquer la source de ces documents pour qu’on en pût mesurer la valeur. Surtout s’ils les avaient tenus d’un officier d’État-Major, attaché au ministère français, ils n’auraient pas manqué de le dire à leurs chefs militaires d’Allemagne et d’Italie pour faire valoir leur propre habileté et l’importance des documents transmis.

Il suffisait donc d’une enquête dans les bureaux, à Berlin et à Rome, pour savoir que M. de Schwarzkoppen et M. Panizzardi, en niant leurs relations avec Dreyfus, ne disaient pas la vérité.

Si donc ils avaient eu en effet des rapports d’espionnage avec lui, ils n’auraient même pu songer une minute à tromper leur gouvernement.

Là encore, l’absurdité est criante.

Mais que penser du ton dont un de ces attachés militaires écrit à l’autre ? C’est chose grave pour un attaché militaire, dans tous les cas, de se décider, sur une question aussi importante, à mentir à son gouvernement.

Or, voici un attaché, qui écrit à l’autre tranquillement : « Moi, je vais mentir, mentez aussi. Si on vous demande, répondez comme ça. C’est entendu. »

Comment ? C’est entendu ? L’autre n’a donc même plus le droit de délibérer, avant d’adopter ce système plein de péril ? C’est en trois lignes, sans causer, sans discuter, sans réfléchir, que ces hommes vont arrêter la tactique la plus audacieuse et la plus folle ?

Et l’un d’eux transmet à l’autre un signal qui sera, à la minute, littéralement obéi ?

Tout cela est révoltant d’invraisemblance et de niaiserie.


III

Mais ce qui est plus invraisemblable encore et plus sot, c’est qu’ils aient songé à s’écrire. Ils se voient tous les