Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/231

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été question, les moyens de preuves qui ont dès l’origine fait la conviction de l’État-Major. Pourquoi ? Pourquoi ?

Il faut que M. Cavaignac ait pour cela des raisons très fortes : car en tenant pour négligeables les moyens de preuves qui ont convaincu les officiers de l’État-Major lui-même, il nous met singulièrement en défiance de leur esprit critique. Il n’y a que deux explications possibles. Ou M. Cavaignac a trouvé ces moyens d’authenticité insuffisants, ou il les a trouvés absurdes. Mais s’il les trouvait insuffisants, il n’était point nécessaire de les écarter : il fallait, en les mentionnant, les compléter par des moyens nouveaux.

Après tout, le « crayon bleu » n’était pas si décisif que M. Cavaignac eût le droit d’écarter sans cérémonie les signes d’authenticité qui avaient persuadé l’État-Major et le général de Pellieux.

Non, si M. Cavaignac n’a pas rappelé devant la Chambre les raisons données par le général de Pellieux, c’est qu’il n’a pas osé. Il a trouvé lui-même si absurdes cette note signée d’un nom de convention et appuyée d’une carte de visite portant le vrai nom et cette carte de visite où sont juxtaposés le nom de convention et le vrai nom, qu’il n’en a pas soufflé mot devant la Chambre.

Il savait que l’absurdité de ce moyen de preuve avait été démontrée : il craignait qu’un souvenir au moins confus de cette démonstration ne se réveillât dans l’esprit des députés ; il a préféré glisser soudain un nouveau moyen de preuve, si léger fût-il : celui-là du moins, n’ayant pas été discuté encore, passerait sans doute.

Oh ! quelle basse tromperie, et comme dans la tristesse de cet homme, qui lui donne un air de probité, il y a des habiletés louches !

Mais il n’échappera pas cette fois, car cette carte de visite, M. Cavaignac a beau la passer sous silence ; elle subsiste : et comme il est certain que M. de Schwarzkoppen ou M. Panizzardi n’a pas signé de son nom de convention sur sa propre carte de visite, il est certain qu’il y a là un faux.