Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/246

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donc avoir été écrit que par un homme qui donne au mot demi-dieu un sens suspect.

Or, comme nous venons de voir que les bureaux de la guerre avaient interprété ainsi, par erreur, la lettre du 27 novembre décachetée et copiée par eux, le faux, qui donne corps à cette interprétation erronée, a été certainement commis par les bureaux de la guerre ou sur leurs indications.

Libre au général Pellieux de dire que le faussaire est l’agent de police Souffrain. Le juge d’instruction Bertulus affirme le contraire ; il affirme qu’il y a pour toute cette série de faux, et notamment pour les télégrammes ultérieurs, des charges suffisantes contre Esterhazy, sa maîtresse M me Pays, et du Paty de Clam.

En tout cas, Souffrain n’avait aucun intérêt direct et personnel à fabriquer ce faux ; il ne pouvait travailler que pour le compte des intéressés, c’est-à-dire Esterhazy et les officiers compromis de l’État-Major. Et surtout il était impossible qu’il donnât au mot « demi-dieu » le sens compromettant qu’il lui donne dans la lettre frauduleuse du 15 décembre, s’il n’avait pas su que les bureaux de la guerre avaient trouvé à ce mot un sens suspect dans la lettre authentique, ouverte et transcrite par eux, du 27 novembre.

La lettre frauduleuse et fabriquée du 15 décembre fait donc écho à la lettre authentique du 27 novembre, telle que les bureaux de la guerre l’avaient comprise ou avaient affecté de la comprendre.

Si donc le général de Pellieux avait voulu mener son enquête jusqu’à la vérité, il ne se fût pas arrêté à Souffrain : et dans l’hypothèse où celui-ci était le faussaire immédiat, il eût cherché quels étaient ses inspirateurs et ses conseillers.

Il a tourné court, parce que c’est rue Saint-Dominique même qu’il eût trouvé les vrais coupables. Il est impossible qu’ils soient ailleurs.

Dans l’entourage du colonel Picquart et de Mlle de