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Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/282

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un charlatan et un misérable, combinant, avec le louche Esterhazy, des romans ineptes et livrant des dossiers secrets à un homme accusé de haute trahison, quelle autorité morale garde le procès Dreyfus que du Paty a mené ?

Oui, dès lors, dès le mois de janvier 1898, les honnêtes gens auraient dit ce qu’ils sont bien obligés de dire aujourd’hui.

Et c’est pourquoi, ni le général de Luxer, ni les juges du Conseil de guerre n’osaient chercher à fond ce qui se cachait sous la fable insolente de la Dame voilée, et au nom de l’honneur de l’armée ils ont dû subir, en réprimant un haut-le-cœur, l’écœurante mystification dont les honorait Esterhazy.


V

Il est vrai que celui-ci n’épargnait pas non plus son enquêteur, le général de Pellieux. Il lui avait raconté que la Dame voilée lui avait donné un soir rendez-vous dans une rue voisine du Sacré-Cœur. Le général de Pellieux lui dit : « Apportez-moi cette lettre. » Naturellement, comme Esterhazy n’avait jamais reçu cette lettre, il dut, une fois rentré chez lui, la fabriquer.

Mais il ne se rappela plus le nom de la rue voisine du Sacré-Cœur et il envoya sa concierge pour le vérifier. C’est elle qui en a témoigné devant le juge.

Quand la concierge fut de retour, Esterhazy put achever la lettre de la Dame voilée, et le lendemain le général de Pellieux, comme un vieux maître somnolent qu’un écolier fripon coifferait du bonnet d’âne, recevait le document « authentique ».

Et la verve bouffonne du traître s’attaquait au ministre lui-même : après avoir rapporté solennellement au ministère la pièce secrète que lui avait livrée du Paty, Esterhazy obtenait du ministre un reçu où la légende de la Dame