Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/53

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Voilà l’homme dont on dit, sur une phrase incertaine, rapportée par un seul témoin, qu’il a avoué. Depuis qu’il est arrêté, pendant la longue durée de l’instruction, il affirme invariablement son innocence, il résiste aux manœuvres de l’enquêteur du Paty de Clam, qui essaie de le faire tomber dans un piège et de lui arracher frauduleusement un aveu.

Condamné, il proteste encore : il résiste à une nouvelle et suprême tentative de du Paty ; il écrit au ministre que non seulement il n’est pas coupable de trahison, mais qu’il n’a pas commis la moindre imprudence.

Enfin dans le jour tragique de la dégradation, toutes ses paroles publiques, tous ses écrits certains sont un cri d’innocence, ardent, répété, émouvant.


LE RÉCIT DE LEBRUN-RENAUD


I


Qu’oppose-t-on, qu’opposent MM. Cavaignac, Rochefort et Drumont a cette longue protestation d’innocence ? Une phrase que le capitaine Lebrun-Renaud prétend avoir recueillie de Dreyfus, le matin de la dégradation, dans une conversation où il n’y avait d’autre témoin que Lebrun-Renaud lui-même.

Ils ne se demandent pas une minute ce que vaut cette phrase ; ils n’en recherchent ni l’authenticité ni le vrai sens. Ils se gardent bien de discuter devant le peuple et de l’habituer à la discussion. Ils voudraient le traiter insolemment comme un grand enfant hébété que l’on mène comme on veut, et ils lui jettent, sans examen, sans critiques, ce simple mot : le traitre a avoué.