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III

Mais il y a mieux : pour que la méthode de l’accusation ait quelque valeur, il faut qu’on sache au juste ce que sont les documents communiqués.

Il est clair que plus la communication faite à l’étranger sera importante, plus il sera facile de circonscrire le champ des soupçons et des recherches.

S’il s’agit, par exemple, du texte même d’un rapport important, soigneusement tenu sous clef ; il est clair que seuls ceux qui auront rédigé le document ou qui en ont la garde auront pu le livrer. Mais si on ne communique à l’étranger, relativement à la même affaire, que des renseignements vagues qui ont pu être recueillis au hasard des conversations, le nombre des hommes qui ont pu assister à des conversations superficielles sur des sujets plus ou moins confidentiels est indéterminé.

Il devient alors absolument téméraire et puéril de conclure de la nature des renseignements à la qualité de la personne : car n’importe qui peut transmettre des racontars sur n’importe quoi.

Or, d’après le texte du bordereau, il est tout à fait impossible de savoir quelle est la valeur, quelle est la précision, quel est le sérieux des renseignements communiqués. Il est même inexact ou tout au moins risqué de parler de documents.

Tout ce que nous savons, c’est que le traître a envoyé à l’attaché allemand « des notes ».

Ces notes étaient-elles faites sur des documents sérieux ? ou au contraire sur de simples conversations sans portée comme celles qui s’échangent au cercle ou en manœuvres sur les questions militaires ? Nul ne le sait : Ni M. du Paty de Clam, ni M. Besson d’Ormescheville, ni les juges qui ont condamné ne le savent.

A priori, et avant même d’être assuré, comme on l’est maintenant, que l’auteur du bordereau est le rastaquouère