Page:Jaurès - Les Preuves.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Je voudrais pouvoir mettre sous les yeux de tous les lecteurs ce dessin de M. Bertillon avec ses flèches et ses tranchées, avec « son arsenal de l’espion habituel élevé spécialement en vue de desservir les ouvrages de droite, mais pouvant néanmoins prêter aux ouvrages de gauche une aide souvent plus nuisible qu’utile ! » ; avec « sa batterie des doubles SS, tir à longue portée et en tous sens ! », avec « sa forgerie ! », avec sa « dernière tranchée souterraine et plus dissimulée ! » ; avec les prévisions tactiques qu’il prête à l’accusé :

Plan de la défense en cas d’attaque venant de la droite : 1o Se tenir coi dans l’espérance que l’assaillant, intimidé à première vue par les maculatures et les signes de l’écriture rapide, reculera devant les initiales et la tour des doubles SS ; 2o se réfugier dans l’arsenal de l’espion habituel ; 3o invoquer le coup ténébreusement monté.

Enfin, pour abréger, voici sur ce beau plan militaire « la citadelle des rébus graphiques », voici « la voie tortueuse et souterraine reliant les différents trucs entre eux et permettant au dernier moment de la citadelle ».

Je le répète, M. Bertillon, devant la cour d’assises, a reconnu l’exactitude de ce schéma.

Voilà donc un homme qui est chargé sur quelques lignes d’écriture non signées de reconnaître la main d’un autre homme ; et cet expert se livre à l’exécution du plan que je viens de décrire ; et c’est lui qui, parmi les cinq experts consultés, fait pencher la majorité contre Dreyfus.

Oui, cela est terrible.

Mais il ne faut pas, quelque évident que soit ici le désordre d’esprit, s’arrêter à ces apparences : puisqu’aussi bien Bertillon a été dans l’affaire un personnage quasi décisif, il faut aller au fond de son œuvre et saisir le sophisme essentiel de ce délire logique.

M. Bertillon, il l’a dit lui-même devant la cour d’assises, n’a pas voulu simplement comparer l’écriture du