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HISTOIRE SOCIALISTE

pendus pendant un an de l’exercice de leurs droits de citoyens actifs, et de l’entrée dans les assemblées primaires ».

« Il est défendu à tous les corps administratifs et municipaux, à peine pour leurs membres de répondre en leur propre nom, d’employer, d’admettre ou souffrir qu’on admette aux ouvrages de leur profession dans aucuns travaux publics, ceux des entrepreneurs ouvriers et compagnons qui provoqueraient, signeraient les dites délibérations ou conventions, si ce n’est dans le cas où de leur propre mouvement, ils se seraient présentés au greffe du tribunal de police pour les rétracter et les désavouer ».

« Si les dites délibérations et conventions, affiches apposées, les lettres circulaires contenaient quelques menaces contre les entrepreneurs, artisans, ouvriers et journaliers étrangers qui viendraient travailler dans le lieu, ou contre ceux qui se contenteraient d’un salaire inférieur, tous auteurs, instigateurs et signataires de ces actes ou écrits seront punis d’une amende de mille livres chacun et de trois mois de prison ».

« Tous attroupements composés d’artisans, ouvriers, compagnons, journaliers ou excités par eux contre le libre exercice de l’industrie et du travail, appartenant à toutes sortes de personnes et sous toute espèce de conditions convenues de gré à gré, ou contre l’action de la police, et l’exécution des jugements rendus en cette matière, ainsi que contre les enchères et adjudications publiques de diverses entreprises, seront tenus pour attroupements séditieux et comme tels ils seront dispersés par les dépositaires de la force publique, sur les injonctions légales qui leur seront faites. Seront punis selon toute la rigueur des lois, les auteurs, instigateurs et chefs des dits attroupements et tous ceux qui seront convaincus de voies de fait et d’actes de violence ».

Voilà cette loi terrible qui brise toute coalition ouvrière, qui, sous une apparence de symétrie entre les entrepreneurs et les ouvriers, ne frappe en réalité que ceux-ci, et les punit de l’amende, de la prison et de la privation de travail dans les entreprises de travaux publics.

Cette loi de prohibition a pesé sur les travailleurs de France soixante-quinze ans. Elle a si souvent servi à faire condamner les prolétaires qu’elle symbolise pour eux l’esprit de classe le plus aigu, l’égoïsme bourgeois le plus étroit. Et il est incontestable que la loi du 14 juin 1791 est sous la Révolution « des droits de l’homme », une des affirmations de classe les plus nettes. Mais peut-être en 1791, et dans l’esprit de la bourgeoisie révolutionnaire n’avait-elle point la brutalité que lui a donnée depuis l’évolution sociale, parce que l’antagonisme de classe entre la bourgeoisie et le prolétariat était alors faiblement indiqué. L’historien qui veut suivre vraiment le mouvement profond des classes doit donc examiner de très près le sens qu’avait pour les contemporains la loi du 14 juin.

Marx la cite dans son terrible chapitre du Capital : « législation sangui-