Page:Javal - Entre Aveugles, 1903.pdf/135

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
127
MÉMOIRE ET MNÉMOTECHNIE

extérieur sont des conditions analogues, grâce auxquelles un certain nombre d’aveugles de naissance se font remarquer par l’excellence de leur mémoire.

Chez l’aveugle, la mémoire est nécessaire pour bien des actes de la vie quotidienne. Il leur faut de la mémoire plus ou moins consciente pour mettre sans hésitation la main sur un bouton de porte, pour donner des indications au guide qui les conduit à travers les rues de la ville, pour savoir, dans un repas, la place occupée par les convives autour de la table. Beaucoup d’aveugles font de leur mémoire un usage très méthodique, et savent, par exemple, le nombre de pas qui mesure chaque section d’un chemin qu’ils ont souvent occasion de parcourir, le nombre des marches d’un escalier, etc.

Pour écrire, comme je le fais en ce moment, ne pouvant pas faire de ratures, il faut construire chaque phrase à peu près en totalité, avant de commencer à l’écrire. Il faut savoir ce qu’on a mis dans les pages précédentes pour pouvoir faire une rédaction suivie, sans se reporter à ce qui est déjà écrit.

Au lieu de feuilleter les documents dont il veut faire usage, l’écrivain aveugle est forcé de s’en imprégner d’avance, et, si sa mémoire est faible, la tâche devient beaucoup plus pénible et le travail perd en précision et en vivacité. Ce livre se ressent nécessairement de ces difficultés.