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INTRODUCTION

adultes dont la vue s’éteint peu à peu s’habituent graduellement à se tirer d’affaire plus ou moins bien. Les uns se résignent bientôt à se laisser vivre dans leur coin, et à disparaître du monde des vivants ; les autres, plus énergiques mais très peu nombreux, continuent, dans la plus large mesure possible, leur existence antérieure avec le secours des yeux d’autrui. Sans remonter jusqu’à Homère, on a vu Huber, devenu aveugle à l’âge de dix-sept ans, assisté d’un domestique fidèle, continuer les travaux de Réaumur sur les mœurs des abeilles ; Augustin Thierry, aveugle à trente ans, ne pas abandonner ses recherches historiques et dicter ses Récits des temps mérovingiens ; Milton, perdant la vue à cinquante ans, dicter à sa fille son célèbre poème du Paradis perdu ; Rodenbach jouer un rôle important dans le parlement belge ; Fawcett, devenu aveugle à vingt-cinq ans, remplacer, d’abord grâce à une remarquable collaboration familiale, sa carrière d’avocat par celle d’écrivain, se faire élire membre de la Chambre des Communes et devenir directeur général des postes. Ces exemples et d’autres moins illustres suffisent à prouver que la cécité, saisissant l’homme en pleine activité, ne le condamne pas