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SUPPLÉANCE DE LA VUE PAR LES AUTRES SENS

Un aveugle expérimenté reconnaît, me dit-on, au son de ses pas, si le sol est sec ou s’il est humide, s’il marche près ou loin d’un mur, s’il vient d’entrer dans une chambre de grande ou de petite dimension.

Pour se renseigner par l’oreille, tel aveugle, que je pourrais citer, sait recourir à des bruits qu’il fait lui-même : par exemple, la résonance produite quand il frappe le sol avec sa canne ou lorsqu’il fait, avec ses lèvres, un petit bruit sec et aigu, analogue à celui d’un baiser. J’ignore dans quelle mesure les adultes peuvent s’approprier ces procédés.

En tout cas, il est une impression auditive qui se perfectionne utilement et rapidement ; c’est celle des nuances qui trahissent un sentiment involontairement exprimé. Privé des indices que donnent les expressions de visage et les gestes involontaires de ses interlocuteurs, l’aveugle n’en est que plus attentif aux intonations, et il peut tirer un véritable profit de l’art d’écouter dans lequel il doit tâcher de passer maître.

Concurremment avec l’ouïe, l’odorat peut donner quelques informations sur les objets qui sont hors de la portée des mains de l’aveugle. Je n’ai jamais vu qu’il y ait profit à exercer méthodiquement l’odorat ; sans qu’on leur dise rien, les aveugles chez qui ce sens est développé en usent pour reconnaître certaines boutiques au passage. Qui