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Page:Je sais tout magazine - Le Retour d'Arsène Lupin, partie 1.djvu/6

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Georges. — Merci. Apportez du porto et du whisky.

Grécourt. — Ah ! Dites-donc, à propos de journaux, avez-vous lu Le Figaro ?

Georges. — Non. Pourquoi ?

Grécourt. — Il y a une lettre d’Arsène Lupin.

Georges. — Dans Le Figaro aussi ? Justement ma fiancée vient de me téléphoner que dans Le Matin

Grécourt. — Allons donc, vous n’aviez pas lu l’article ? Il concerne votre futur beau-père. (Il tire Le Figaro de sa poche.) La lettre est d’ailleurs tout à fait bien, nette, insolente. Si Lupin n’est pas un mythe…

Brisaille, l’interrompant. — Lupin n’existe pas. C’est la création d’un fumiste.

Georges. — Il n’y a pas de fumiste sans feu.

Grécourt. — Si Lupin et ses exploits sont réels, ce voleur-là serait de tous ceux que j’ai étudiés, le plus audacieux et le plus extraordinaire… Tenez, lisez la lettre à haute voix… j’aurai plaisir à l’entendre.

Georges, lisant. — « Monsieur le Rédacteur en chef… Il y a un an… »

Bertaut, entrant.M. Jean de Faloise…

Faloise, entrant. — Dis donc, mon vieux… Ah ! bonjour Brizailles. (À Grécourt.) Monsieur…

Georges. — Le baron Jean de Faloise, notre aéronaute national… M. Henri Grécourt, notre grand romancier.

Faloise. — Oh ! Monsieur, j’ai lu votre livre… admirable ! Mais il manque un chapitre. Le chapitre d’Arsène Lupin. (À Georges.) Tu as lu Le Gaulois ? Pourquoi riez-vous ?

Georges. — Justement, j’allais lire la lettre d’Arsène Lupin dans Le Matin. Elle est aussi dans Le Gaulois ?

Faloise, tirant Le Gaulois de sa poche. — Elle est épatante.

Tous trois. — « M. le Rédacteur en chef… »

Brisailles. — Ah ! non, tirons au sort.

Albert, annonçant.M. Bergès.

Georges. — Ah ! voici notre escrimeur. Tu n’as tué personne, ce matin ? Vous vous connaissez ?

Tous. — Oui, certainement.

Bergès, à Faloise. — Je crois, monsieur, que j’ai eu l’honneur d’être témoin contre vous dans un duel.

Faloise. — Vous confondez, monsieur, vous m’avez bel et bien flanqué un coup d’épée.

Bergès. — Oh ! Je vous demande pardon !

Georges, à Grécourt. — Eh bien, cet article ? (À Bergès.) Il paraît qu’il y a un article sensationnel, aujourd’hui.

Bergès. — Oh ! la ! la ! J’en ai un autre à vous offrir.

Tous. — Ah ! Lequel ?

Bergès. — Dans Le Journal. (Tirant Le Journal de sa poche.) Vous n’avez pas lu Le Journal ? Une lettre d’Arsène Lupin. (Il lit.) « M. le Rédacteur en chef… » (On se tord.) Qu’est-ce que vous avez ?

Grécourt. — Alors, quoi, c’est une circulaire ?

Georges. — Grécourt, toi qui fais des conférences. Lis-nous ça de ta voix d’or.

(Bertaut, le maître d’hôtel, apporte les apéritifs.)

Georges. — Tiens, voilà le verre d’eau, voilà le tapis vert.

Bertaut. — Pardon, Monsieur, Monsieur n’a pas lu Le Petit Journal ?

Georges. — Non, pourquoi ?

Bertaut. — Il y a une lettre qui concerne Son Excellence, le futur beau-père de Monsieur. (Commençant à lire.) « M. le Rédacteur en chef… »

(On rit.)

Georges. — Ah ! M. Bertaut, non !

Bertaut. — Bien, Monsieur.

(Il sort.)

Faloise. — C’est inouï, et je suis sûr que la lettre est aussi dans le Gil Blas, dans La Libre Parole, dans Le Petit Parisien, dans Comœdia… quel arriviste, ce Lupin !

Grécourt. — Je lis ?

Tous. — On écoute.

Grécourt, lisant. — « M. le Rédacteur en chef. Vous voudrez bien excuser la longueur de cette missive, mais je crois opportun de préciser certains faits. D’ailleurs, dût cette illusion être trop flatteuse pour moi, j’ai l’impression que ma prose n’est pas trop désagréable à vos lectrices. » Hein ?

Georges. — Quel cabot !

Grécourt, continuant. — « … Voici les faits : ayant appris, il y a un an, que M. le comte d’Avremesnil, chargé de représenter la France au Congrès de