Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/110

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Pour parler le langage de Plutarque :

Dell’ empia Babilonia, ond’ è fuggita
Ogni vergogne, ond’ ogni bene è fori,
Albergo di dolor, madre d’errori,
Son fuggit’ io per allungar la vita.

J’ai fui pour ma vie.

Je me suis du moins chargé d’un Mémoire des unionistes de San-Antonio pour le cabinet de Washington, papier qui seul m’eût fait pendre dix fois, comme un unioniste, espion ou correspondant avec l’ennemi. Je l’avais roulé et caché dans un des canons de mon fusil de chasse. Le consul américain à Matamoros — un énergique citoyen de la Nouvelle-Angleterre — à qui je l’ai remis à mon arrivée ici, l’a expédié, et Lincoln est près de le tenir.

Je ne saurais exprimer la satisfaction que j’ai ressentie en retrouvant la liberté de ma plume, de ce côté du Rio-Grande. Que ne m’est-il donné pour une fois de parler avec autorité et de faire retentir ma voix dans toute l’Europe? Le sud des États-Unis est témoin d’une tentative odieuse, criminelle, qui, dans les moyens d’exécution, rivalise avec les scènes les plus sanglantes et les plus abhorrées de l’Inquisition. À cette tyrannie sanguinaire se joint un déchaînement de passions terribles : toutes celles qu’engendre la possession de l’homme et (de la femme) par l’homme. Il n’y a plus de limites, il n’y a plus de retenue, il n’y a plus de pudeur. Près de Seguin (Texas) un maître a été frappé par un esclave pour avoir, en présence de celui-ci, mis la femme du nègre toute nue, etc. L’esclave, cela va sans dire, a été pendu.