Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/24

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des planteurs à l’apogée de leurs prétentions et de leurs espérances.

Chargé d’explorations géologiques, j’avais quitté ma résidence dans le Texas méridional, au milieu d’avril, et durant dix semaines je parcourus la campagne vierge, dans les dernières zones habitées de la frontière[1], m’élevant au Nord jusqu’aux terrains houillers du Brazos supérieur. Cette région offre très-peu de fermes à esclaves. Mais quand on redescend le Brazos ou le Colorado, les plantations de maïs et de coton se montrent en abondance. Ce n’est pas cependant que le climat soit insalubre pour les blancs, ni que les travailleurs libres manquent dans les campagnes, car sur le Brazos un grand nombre de settlers allemands s’emploient eux-mêmes à la cueillette du coton chez leurs voisins plus riches, et côte à côte avec les esclaves.

La plupart des planteurs que je rencontrais étaient devenus en peu de mois d’une dureté et d’une arrogance difficiles à imaginer. Débarrassés de tout frein, soit moral soit politique; affranchis de la pression qu’exerçaient les Élats du Nord; glorieux d’avoir terrassé l’opposition locale, les maîtres ne connaissaient plus qu’une chose au monde : make money, faire de l’argent. C’était un déchaînement subit de l’avarice, d’autant plus redoutable dans ses effets qu’il s’était vu plus longtemps contenu. C’était une sorte de rage de faire de l’argent de ses semblables : hommes, femmes, enfants. Une société dont la classe gouvernante est

  1. Lisière du pays indien.