Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/55

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d’une chienne fit découvrir le cadavre, qui ne portait pas moins de treize blessures. La fidèle Fanny avait léché les plaies avec tant de soin qu’il n’y avait pas une goutte de sang sur le sol; souvent encore elle va gémir près de la fosse où elle a vu déposer son maître, et dont la terre molle porte l’empreinte circulaire de son corps.

Je traversai San Antonio, dont l’aspect était considérablement changé. Les magasins, jadis animés, encombrés d’acheteurs et de marchandises, étaient pour la plupart fermés. Un papier-monnaie, déprécié de moitié, prodigué sans intelligence comme sans limites, avait fait disparaître de la circulation le numéraire tout entier. Il n’était bruit que du projet de la levée en masse, qui devait appeler indistinctement, sous les drapeaux du Sud, tout homme en état de porter les armes. J’arrivai à Austin. Quelques amis m’exposèrent la faiblesse de l’élément scientifique, dans l’état major de l’armée scissionniste. « Un membre d’une Académie européenne, qui a travaillé à la géodésie de son pays natal, n’aurait qu’à le vouloir, me dit-on, pour figurer, avec de grosses épaulettes, parmi les ingénieurs-géographes confédérés. La réquisition, à laquelle vous allez être soumis comme résident, malgré votre qualité d’étranger, ne serait-elle pas une excuse suffisante pour servir, dans une situation spéciale, une cause que vous n’adoptez pas entièrement? » — « Je me couperai la main droite, répondis-je, avant de servir cette cause. Que la réquisition vienne : on pourra me traquer comme réfractaire, ou me faire prisonnier; mais soldat des planteurs… jamais.»