Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/65

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un jour le mousquet, ce ne serait pas pour le droit du planteur de faire travailler des hommes esclaves et d’abuser de leurs femmes, mais pour revendiquer notre droit à nous de vivre libres et frères.

Avant que les événements se fussent entièrement développés de ce côté, une circonstance fortuite me procura la satisfaction d’arracher un proscrit aux mains de nos tyrans. M. Charles Anderson — frère du major (maintenant général) Anderson qui a subi dans Fort Sumter le premier feu des scissionnaires — habitait à la tête d’eau du San Antonio. C’était un homme éclairé, influent, possesseur d’une belle fortune, et qui durant l’été s’était servi de tous ces avantages pour défendre la cause de l’Union. Il avait des correspondances étendues, des messagers sur toutes les routes; les planteurs le regardaient comme le chef de l’opposition au Texas. Le 1er septembre, le Comité de salut public lui intima l’ordre de vendre ce qu’il possédait, et de quitter le pays dans le délai de dix jours.

Un pareil ordre était la ruine, dans un pareil moment, quand les propriétés ne trouvaient pas d’acheteurs, et que le papier monnaie (qui n’était pas reçu hors des États Confédérés) ne pouvait s’escompter qu’à quarante ou cinquante pour cent de perte. Anderson toutefois se soumit. Il abandonna pour une bagatelle ses terres, son habitation, ses troupeaux; mais il refusa de vendre ses esclaves : il leur donna la liberté.

À cette nouvelle, un cri de fureur s’éleva des rangs des planteurs. On annonça que le juge refuserait la légalisation de l’acte, et que les pauvres noirs seraient vendus comme esclaves sans maître, au profit de l’État,