Page:Jean Charles Houzeau - La terreur blanche au Texas et mon évasion, 1862.djvu/74

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contrainte par corps une servitude temporaire au profit du créancier, servitude qui n’aurait d’autre terme que l’extinction de la dette elle-même. Le débiteur, quelle que fût sa qualité, homme ou femme, blanc ou noir, Américain ou étranger, serait obligé de se faire esclave pour un temps, de donner non-seulement son travail mais sa liberté, de renoncer à la libre disposition de lui-même. La dette s’acquitterait lentement, péniblement, dans cet état d’esclavage temporaire. Le maître tiendrait le mauvais payeur au bout de son fouet, et ne se ferait pas faute sans doute de se venger des retards qu’il aurait subis, et de l’humeur qu’une dette longtemps différée lui aurait causée.

Ne vous imaginez pas en Europe qu’un tel projet soit simplement une œuvre individuelle, isolée, qui ne se rattache point aux plans du parti dominant. Les législatures des territoires de New-Mexico et d’Arizona lui ont déjà donné force de loi. J’ai vu un Allemand qui a été esclave temporaire, et qui le serait encore, tant était lent l’acquittement de sa dette, si des compatriotes n’avaient satisfait aux exigences de son maître par une souscription.

Il y a plus. On entend discuter ouvertement le projet de mettre en servitude tous les blancs qui ne possèdent pas de terres. Le système social est fondé, en effet, sur ce principe que « le capital possède son travail.» L’homme qui n’a que ses bras, le prolétaire, comme nous disons en Europe, ne peut donc avoir d’existence par lui-même : il faut qu’il soit propriété d’autrui. Indépendamment de la monstruosité de ce dogme, qui nie l’égalité spirituelle des hommes, et qui met à néant