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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/105

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été contristés selon Dieu, pour, que vous n’éprouviez de dommage en quoi que ce fût ». Quelle ineffable prudence ! Si nous n’avions agi de la sorte, dit-il, nous vous aurions fait beaucoup de mal. Le bien, ce sont eux qui l’ont produit ; le mal, lui seul en eût été cause, s’il eût gardé le silence. Puisque vous deviez vous convertir par – suite de nos reproches, si nous avions négligé de vous les adresser, nous vous aurions été nuisible, et nous nous serions aussi fait tort à nous-même. C’est nuire au navigateur que de ne point lui fournir ce qui lui est nécessaire pour s’embarquer ; de même, c’est été vous nuire que dune pas vous exciter à la pénitence. Volez-vous quel tort on fait au pécheur, quel tort on se fait à soi-même, quand on ne reprend point celui qui s’est rendu coupable ?
« La tristesse qui est selon Dieu produit une pénitence qui à son tour produit le salut et l’affermit… (10) ». – C’est pourquoi, dit-il, bien que j’aie eu regret avant d’avoir aperçu les heureux résultats de ma démarche, maintenant je suis loin de m’en repentir. Tels sont les avantages de cette tristesse qui est selon Dieu ; l’apôtre fait bien voir que toute tristesse n’est point fâcheuse, et qu’il n’y a de tristesse fâcheuse que la tristesse selon le monde. – Qu’est-ce à dire : Selon le monde ? S’attrister de la perte, de ses biens, de la perte de sa gloire, de la mort de quelqu’un, c’est s’attrister selon le monde. Cette tristesse produit la mort. Celui qui s’attriste d’être privé de gloire, porte envie aux autres et, presque toujours il est dans la nécessité de mourir. Telle fut la tristesse de Caïn et d’Esaü. La tristesse du siècle est donc aux yeux de l’apôtre cette tristesse qui nuit à ceux qui l’éprouvent. Il n’y a d’avantageux que le chagrin que l’on ressent d’avoir péché et ce que nous venons de dire le montre assez. S’affliger de la perte de ses biens, est-ce les recouvrer ? Pleurer la mort de quelqu’un, est-ce un moyen de le ressusciter ? Se tourmenter d’une maladie, n’est-ce pas l’aggraver plutôt que de la guérir ? Mais déplorer ses péchés ; c’est se procurer de grands avantages ; c’est les consumer, c’est les faire, disparaître. C’est au péché seulement que, la tristesse petit porter remède ; là se borne son utilité ; partout ail – leurs elle est dangereuse.
2. Mais, direz-vous, la tristesse de Caïn venait de ce qu’il ne pouvait plaire à Dieu. – Non, telle n’était point la cause de son chagrin. Il s’affligeait de la gloire de son frère. Si sa tristesse eût eu un autre principe, ne devait-il pas imiter la vertu d’Abel et le féliciter ? Mais il s’en fallait bien ; et vous voyez par là que sa tristesse était une tristesse selon le monde. Est-ce ainsi qu’agissaient David, Pierre et les autres justes ? Non ; ce qui fait leur, gloire, c’est qu’ils s’attristaient ou de leurs propres péchés, ou de ceux du prochain. Et quoi de plus pénible que le chagrin ? Néanmoins, quand on s’afflige selon Dieu, cette tristesse vaut mieux que la joie du monde. La joie du monde s’anéantit ; la tristesse chrétienne produit le repentir, et le repentir, le salut, dont ou n’a jamais lieu de se repentir. Oui, si vous vous affligez de la sorte, jamais vous ne vous en repentirez et c’est tout le contraire qui arrive, lorsqu’on s’attriste selon le monde. Quoi de plus cher qu’un fils ? Quoi de plus cruel que de le voir mourir ? Et cependant ces parents qui sont inconsolables dans leur douleur, qui se frappent la poitrine, ne tardant tas à se repentir de cet excès de tristesse, qui n’a servi qu’à accroître leurs maux, bien loin de les diminuer. Bien différente est la tristesse selon Dieu : elle offre un double avantage ; jamais on ne regrette de l’avoir éprouvée, et elle a pour conséquence le salut. La tristesse mondaine n’a aucun de ces résultats. Ceux qui s’affligent selon le monde ; s’affligent pour leur malheur, et après s’être affligés, ils se le reprochent ; ce qui montre bien l’inconvénient de cette tristesse. Quant à cette tristesse quia est selon Dieu, c’est tout le contraire : aussi l’apôtre disait-il : « Un repentir qui produit le salut, repentir que l’on ne regrette point ». Personne, en effet, ne se reprochera de s’être affligé pour ses péchés, d’avoir éprouvé de la douleur et de la contrition. Pour appuyer cette assertion, saint Paul n’avait pas besoin de chercher bien loin des exemples, de citer ces personnages dont la pénitence nous est retracée par l’histoire ; il suffisait d’en appeler aux Corinthiens eux-mêmes. C’est par leurs œuvres qu’il prouve ce qu’il avance, et c’est pour lui une occasion de les instruire en faisant leur éloge, et de se les attacher plus fortement.
Cette tristesse que vous avez ressentie selon Dieu, quelle ardeur n’a-t-elle point « produite en vous !… (1) » Oui, loin de vous