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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/108

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les retient, et qui garde ainsi le fruit de leurs travaux ? Que cette crainte disparaisse, toute leur peine sera perdue. En examinant bien, vous trouverez un autre pouvoir, qui engendre et protégé celui-là : quel est-il donc ? C’est un pouvoir en vertu duquel chacun doit se commander à soi-même, se dominer soi-même, réprimer ses mauvaises passions, mettre tout son zèle à développer le germe de ses vertus et à les accroître. Il y a en effet deux espèces de commandements. D’abord le commandement des peuples et des villes : il dirige la vie civile. C’est celui dont parle saint Paul, quand il dit : « Toute âme doit être soumise aux puissances supérieures : car il n’y a pas de pouvoir qui ne vienne de Dieu ». (Rom. 13,1) Et ensuite, pour montrer les avantages de ce commandement, l’apôtre ajoute : « Le magistrat est le ministre de Dieu pour le bien » ; et encore : «. Il est le ministre de Dieu, son vengeur contre celui qui fait le mal ». Une autre sorte de commandement, c’est celui qu’exerce sur soi-même quiconque veut être prudent. Saint Paul en parle dans ce passage : « Voulez-vous ne pas craindre le pouvoir ? Faites le bien ». (Rom. 13,3) Il a en vue celui qui se commande à lui-même.
4. Il y a encore une autre espèce de commandement, d’un ordre plus élevé que le commandement politique. Quel est-il donc ? C’est le pouvoir ecclésiastique. Saint Paul en fait mention, quand il dit : « Obéissez à ceux qui sont à votre tête ; soyez-leur soumis : ils sont pleins de vigilance, comme devant rendre compte de vos âmes ». (Héb. 13,17) Autant le ciel est au-dessus de la terre, autant ce pouvoir de l’Église est au-dessus du pouvoir politique ; et je ne dis pas assez encore. Le pouvoir ecclésiastique s’occupe – moins de punir les crimes que de les prévenir ; quand ils ont été commis, il ne cherche pas à faire périr le malade, mais à guérir la maladie. Il s’occupe peu des choses de ce monde ; il a toujours en vue le ciel : « Notre conversation est dans les cieux » (Phil. 3,20), dit l’apôtre, et notre vie aussi. « En effet », dit-il, « elle est cachée en Dieu avec Jésus-Christ ». (Col. 3,3) C’est dans le ciel que se trouve la récompense, et on court dans le stade pour mériter des couronnes toutes célestes. La vie chrétienne ne finit point avec la mort ; la mort lui donne un nouvel éclat. Ainsi donc ceux qui sont investis de ce pouvoir, sont plus honorés que les chefs de provinces, que les rois eux-mêmes, puisque l’objet de leur charge est plus élevé, puisqu’ils préparent les hommes à de plus grands avantages.
Mais ni les chefs politiques, ni les supérieurs ecclésiastiques, ne pourront s’acquitter dignement de leurs fonctions, sans se commander d’abord à eux-mêmes, et sans observer scrupuleusement les lois de l’État et de l’Église. S’il y a deux espèces de pouvoirs publics, il y a aussi deux sortes d’empire à exercer sur soi-même. Et ici encore l’empire spirituel l’emporte sur l’empire temporel, comme nous l’avons démontré. Certains arts exercent aussi une espèce d’empire ; l’art du laboureur, par exemple. Le laboureur n’est pas comme préposé aux plantes. Il les taille, il en arrête la croissance ; ou bien il en hâte le développement parla culture. Il imite en cela la conduite des meilleurs princes, qui punissent, qui font mourir les criminels, ces hommes dangereux pour la société, et qui comblent d’honneur las gens de bien. C’est pourquoi l’Écriture compare à des vignerons ceux qui commandent aux autres. Les plantes, il est vrai, ne se plaignent pas comme ceux qui dans les cités reçoivent quelque injure ; mais leur aspect montre le mal qu’elles éprouvent des mauvaises herbes qui les étreignent. Les lois répriment la méchanceté ; de même aussi l’art du laboureur corrige les vices du sol et la mauvaise nature, la nature sauvage des plantes. Les plantes nous offrent l’image de nos mœurs ; nous y retrouvons l’âpreté, la mollesse, la timidité, l’audace, l’inconstance ; nous y voyons certains rameaux se nourrir, se développer aux dépens des autres, et d’autres par là même se sécher et périr. C’est une haie qui nuit aux plantes du voisinage, ce sont des arbres stériles et sauvages, dont l’ombrage nuit aux arbres du voisinage. Les préfets et les empereurs voient leur autorité menacée et battue en brèche ; et le laboureur n’a-t-il pas à redouter les incursions des bêtes féroces, l’intempérie des saisons, la rouille, la grêle, la sécheresse, et d’autres fléaux. Tout cela arrive pour que vous mettiez toujours votre espérance dans le Seigneur.
Le travail de l’homme est pour beaucoup dans les autres arts ; l’agriculture doit mettre surtout en Dieu son espérance ; c’est de lui que dépend toute sa richesse. Sans doute elle