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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/135

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c’est Dieu, et se confondant avec eux, il rend à Dieu des actions de grâces par ces paroles « Dieu soit loué de son ineffable don (15) ». Or, par le mot don, il entend ici tant de biens si précieux, ces fruits de l’aumône recueillis, et par ceux qui la reçoivent et par, ceux qui la font ; ou encore ces biens mystérieux que sa présence en tous lieux communique à toute la terre, avec une si grande libéralité ; cette conjecture est même la plus vraisemblable. Il a pour but ; en leur rappelant ces grâces, de les rendre plus humbles, d’en faire de plus généreux dispensateurs des dons qu’ils ont reçus de Dieu. C’est là, en effet, le stimulant le plus énergique pour toute vertu ; aussi est-ce par cette pensée qu’il termine son discours sur ce point. Que si le don de Dieu est inénarrable, qui pourrait égaler le délire de ceux dont la curiosité s’épuise à rechercher son essence ? Et ce n’est pas seulement le don de Dieu qui surpasse toute parole, mais ce que l’intelligence même ne saurait atteindre, c’est la merveille de cette paix qui a réconcilié le ciel et la terre.
Soyons donc jaloux, puisque nous jouissons d’une grâce si grande, d’y répondre par nos vertus, par notre empressement à faire l’aumône, et c’est ce que nous ferons, si nous fuyons l’intempérance, l’ivresse ; la gloutonnerie. La nourriture et la boisson nous ont été données par Dieu, non pas pour que nous dépassions joute mesure, mais pour que nous puissions nous alimenter. Ce n’est pas le vin qui produit l’ivresse ; s’il en était ainsi, tous les hommes l’éprouveraient. Mais le vin, direz-vous, ne devrait pas la produire, même quand on le prend en grande quantité. Ce sont là des paroles de gens ivres. Si malgré l’inconvénient qui résulté de ce qu’on en prend trop, vous ne renoncez pas aux excès de la boisson, si la honte et le danger ne suffisent pas pour, vous corriger d’une sensualité coupable, supposez qu’il fût possible de boire des flots devin, sans en éprouver aucun malaise, qui viendrait mettre un terme à cette avidité ? Ne désireriez-vous pas voir les fleuves rouler des flots devin ? Ne vous verrait-on pas tout exterminer, tout détruire ? Il y a une mesure déterminée pour les aliments ; quand nous la dépassons, nous sommes malades ; rien n’y fait, vous êtes incapable de supporter un tel frein, vous le brisez, vous mettez toutes les fortunes au pillage, pour vous asservir à la détestable tyrannie de votre ventre ; que feriez-vous donc si cette mesure fixée par la nature était supprimée ? Ne dépenseriez-vous pas tout votre temps à réjouir cette passion ? Fallait-il donc fortifier cette gourmandise insensée, ne pas mettre d’entraves aux suites funestes de ce dérèglement ? Et combien d’autres conséquences funestes n’en seraient pas sorties ? O les insensés, ces hommes qui se roulent, comme dans un bourbier, dans l’ivresse, dans les autres hontes du même genre ; et qui, lorsqu’ils commencent à revenir à eux-mêmes, n’ont d’autre souci que de dire : Pourquoi faut-il tant dépenser pour cela, quand ils ne devraient rien faire que de déplorer leurs péchés. Au lieu de ce que vous dites : Pourquoi Dieu a-t-il fixé des limites ? pourquoi toutes choses ne sont-elles pas abandonnées au hasard ? demandez-vous donc plutôt : Pourquoi ne cessons-nous pas de nous enivrer ? pourquoi sommes-nous insatiables ? pourquoi sommes-nous plus insensés que les êtres dépourvus de, raison ? Voilà les questions que vous devriez vous adresser les uns aux autres, et vous devriez écouter la voix apostolique, et vous devriez savoir tous les biens dont l’aumône est la source, et vous devriez vous jeter sur ce trésor. Car le mépris des richesses, c’est le Maître lui-même qui l’a dit, fait les hommes vertueux, fait glorifier le Seigneur, rend la charité ardente, les âmes grandes, constitue des prêtres vraiment prêtres ; assurés d’une récompense glorieuse. Celui qui fait l’aumône ne se montre pas, il est vrai, avec une robe traînante, ni des sonnettes à l’entour comme Aaron ; il ne se promène pas la couronne en tête ; il porte la robe de la bienfaisance, plus sainte encore que les vêtements sacerdotaux ; il est frotté d’huile, non d’une huile sensible, mais de celle que produit le Saint-Esprit, et la couronne dont il se pare, est celle de la miséricorde ; car l’Écriture dit : « Qui vous couronne de sa miséricorde ; et des effets de sa compassion » (Ps. 102,4) ; au lieu de porter une lame d’or avec l’inscription du nom de Dieu, elle est elle-même égale à Dieu. Comment cela ? « Vous serez », dit l’évangéliste, « semblables à votre Père qui est dans les cieux ». (Mt. 5,45)
3. Voulez-vous quelque chose de plus encore ? voulez-vous contempler son autel ? Ce n’est pas Beseleel qui l’a construit, ni aucun autre ouvrier, mais Dieu lui-même ; ce n’est pas un autel de pierre ; les matériaux dont il