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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/149

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deux partis n’était sûr, il ne fallait ni parler ouvertement, ni garder le tout caché jusqu’au bout. Voilà pourquoi il prend une expression intermédiaire, « j’appréhende que », qui ne marque ni une condamnation, ni une grande confiance, qui est à égale distance des deux jugements contraires. Voilà comment il les avertit ; l’histoire qu’il leur rappelle était faite pour les frapper de terreur, pour leur montrer qu’ils étaient inexcusables. En effet, quoique le serpent fût rusé, la femme insensée, aucune de ces considérations n’a sauvé la femme.
2. Prenez donc garde, dit-il, de ne pas courir le même sort, et de ne trouver aucun secours dans votre malheur. C’est par ses magnifiques promesses que le démon séduisit la femme, c’est de la même manière, par leur langage superbe, que ces orgueilleux égaraient les fidèles. Et c’est ce qui résulte, non seulement des paroles précédentes, mais de celles que l’apôtre ajoute ensuite : « Car si celui qui vient vous prêcher vous annonçait un autre Christ que celui que nous vous avons annoncé, ou s’il vous faisait recevoir un autre esprit que celui que vous avez reçu, ou s’il vous prêchait un autre Évangile que celui que vous avez embrassé, vous auriez raison de le souffrir ». Et il ne dit pas : J’appréhende que, comme Adam a été trompé, il montre que ce sont des femmes qui se laissent tromper ; car le propre des femmes, c’est d’être des dupes. Et il ne dit pas : J’appréhende que, de la même manière, vous ne soyez trompés ; il continue la comparaison, il dit : « Que vos esprits aussi ne se corrompent et ne dégénèrent de la simplicité en Jésus-Christ » ; je dis simplicité et non pas malice ; ce ne serait ni de la malice, ni du manque de foi que viendrait votre mal, mais de votre simplicité. Toutefois, on n’est pas excusable parce que l’on se laisse tromper même par trop de simplicité ; c’est ce que l’exemple d’Eve sert à montrer. Si la simplicité n’excuse pas en pareil cas, que sera-ce de la vanité ?
« Car si celui qui vient vous prêcher vous annonçait un autre Christ que celui que nous vous avons annoncé ». Ces paroles montrent que si les Corinthiens se corrompent, ce n’est pas d’eux-mêmes, mais qu’il leur vient du dehors des gens qui les trompent ; de là cette expression : « Celui qui vient. Ou s’il vous faisait recevoir un autre esprit que celui que vous avez reçu, ou s’il vous prêchait un autre Évangile que celui que vous avez embrassé, vous auriez raison de le souffrir (4) ». Que dites-vous ? C’est vous-même qui disiez aux Galates : « Si quelqu’un vous annonce un Évangile différent de celui que vous avez reçu ; qu’il soit anathème (Gal. 1,9), et c’est vous qui dites maintenant, vous auriez raison « de le souffrir ? » Comment ! Bien loin de le souffrir, il faudrait se reculer avec horreur ; si l’on prêche le même Évangile, voilà la seule prédication qui se doive souffrir. Comment donc prétendez-vous que si l’on ne prêche que le même Évangile, on ne doit pas le souffrir ? Si l’on en prêchait un autre, dites-vous, on devrait le souffrir ? Appliquons ici notre attention ; le danger est grand, nous sommes auprès d’un affreux précipice, n’allons pas devant nous sans attention, ce passage mal interprété ouvrirait la voie à toutes les hérésies. Quel est donc le sens de ces paroles ?
Ces orgueilleux se vantaient de ce que l’enseignement des apôtres étant défectueux, ils étaient eux-mêmes en mesure de le compléter. On peut croire que ces gens gonflés de vanité introduisaient dans les dogmes des extravagances de leur propre fonds. Voilà pourquoi l’apôtre rappelle, et le serpent, et la malheureuse Eve, trompée par un excès de prétention. C’est ce qu’il disait à mots couverts dans la première épître : « Vous êtes déjà riches, vous régnez sans nous » ; et encore : « Nous sommes fous pour l’amour de Jésus-Christ, mais vous autres, vous êtes sages en Jésus-Christ ». (1Cor. 4,8, 10) Il est probable que si l’apôtre leur adresse ces paroles, c’est qu’enflés de leur sagesse profane, ils débitaient beaucoup de frivolités ; voilà pourquoi il leur dit : Si ces hommes disaient du nouveau, s’ils prêchaient un autre Christ qu’il ne fallait pas prêcher, que nous aurions oublié, nous, vous auriez raison de le souffrir ; c’est ce qui fait qu’il ajoute : « Que celui que nous vous avons annonce ». Mais maintenant, si les articles principaux de la foi sont les mêmes, quel avantage ont-ils sur nous ? Quoi qu’ils puissent dire, ils ne diront rien de plus que ce que nous avons dit. Admirez la précision du langage ; il ne dit pas : si celui qui vient, vous dit quelque chose de plus ; car ces gens-là disaient quelque chose de plus, leurs harangues avaient plus d’abondance et aussi plus de beauté dans les expressions. Voilà pourquoi l’apôtre ne s’exprime pas comme je viens de le supposer,