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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/152

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d’eux, c’était pour eux qu’il travaillait, il manquait de la nourriture qui lui était nécessaire, et ce sont les autres qui la lui ont fournie. Assurément ceux qui le nourrissaient étaient de beaucoup supérieurs à ceux qui le laissaient sans aliments. Lâche indolence d’un côté ; zèle de l’autre ; tandis qu’on envoyait de bien loin de quoi suffire aux besoins de l’apôtre, ceux qui l’avaient auprès d’eux ne le nourrissaient pas.
Ensuite, après les avoir vivement réprimandés, il adoucit ce que le reproche a de trop vif, il dit : « Et lorsque je demeurais parmi vous, et que j’étais dans la nécessité, je n’ai été à charge à personne (9) ». Il ne dit pas en effet : Vous ne m’avez rien donné, mais, je n’ai rien reçu. Il les ménage encore ; toutefois, même dans la réserve de son langage, il les frappe à la dérobée. Car ces paroles : « Lorsque je demeurais parmi vous » sont fort expressives, de même que : « et que j’étais dans la nécessité » ; et pour qu’on ne lui réponde pas, eh bien ! après, si vous aviez de quoi vous suffire ? il dit : « Et que j’étais dans la nécessité, je n’ai été à charge à personne ». Maintenant il y a encore ici un petit coup donné à ceux qui se refusaient à une contribution de ce genre, qui la regardaient comme une charge. Vient ensuite ce qui explique comment il n’a pas été à leur charge, et l’explication est un grave reproche et bien fait pour exciter leur amour-propre jaloux. Aussi ne fait-il pas, de cette explication, son objet principal ; c’est un accessoire pour montrer comment et par qui il a été nourri, et il pourra ainsi, sans qu’on s’en doute, provoquer l’ardeur pour l’aumône. « Mes besoins », dit-il, « ont été « satisfaits par nos frères venus de Macédoine ». Voyez-vous cette manière de les piquer au vif, en parlant de ceux qui l’ont assisté ? Il a commencé par leur inspirer le désir de savoir quelles personnes l’avaient secouru, quand il a dit : « J’ai dépouillé les autres églises », et maintenant il dit leurs noms ; ce qui était fait pour exciter à l’aumône ceux qui l’écoutaient. Ils s’étaient laissé vaincre en ne pensant pas à nourrir l’apôtre, et il leur fait sentir qu’on ne doit pas se laisser vaincre quand il s’agit de secourir les pauvres. Il écrit à ces mêmes Macédoniens : « Vous m’avez envoyé deux fois de quoi satisfaire à mes besoins, quand j’ai commencé la prédication de l’Évangile » ; (Phil. 4,16 et 15) c’était une gloire insigne pour eux d’avoir ainsi fait, dès les premiers jours, briller leur vertu. Maintenant remarquez bien, partout il n’est question que des nécessités, nulle part de richesses superflues. Donc en disant : « Lorsque, je demeurais parmi vous, et que j’étais dans la nécessité », il montre assez que les Corinthiens auraient dû le nourrir ; en disant : « Mes besoins ont été satisfaits », il montre qu’il n’a rien demandé. Il évite ici de donner la vraie raison. Quelle raison donne-t-il ? à savoir que d’autres l’avaient assisté. « Mes besoins », dit-il, « ont été satisfaits par nos frères venus ». Voilà pourquoi, dit-il, « je n’ai été à charge à personne » parmi vous ; ce n’est pas que je n’eusse point de confiance en vous. Par cette manière de parler, il n’en dit pas moins ce qu’il veut dire ; la suite rend sa pensée manifeste ; il ne l’exprime pas à découvert, il la recouvre d’une ombre, l’abandonnant à la conscience de ceux qui l’écoutent. Il parle encore à mots couverts dans ce qu’il ajoute aussitôt après : « Et j’ai pris garde à ne vous être à charge en quoi que ce soit, comme je ferai encore à l’avenir ». N’allez pas vous imaginer, leur dit-il, que ce que j’en dis, c’est pour recevoir quelque chose. Le « comme je ferai encore à l’avenir » est mordant, s’il entend par là qu’il n’a pas encore de confiance en eux, qu’il a désespéré une fois pour toutes de rien recevoir d’eux. Il leur montre qu’ils le considéraient comme une charge ; voilà pourquoi il leur dit : « J’ai pris garde à ne vous être à charge en quoi que ce soit, comme je ferai encore à l’avenir ». Il exprimait la même pensée dans la première épître : « Je ne vous écris point ceci, afin qu’on en use ainsi envers moi, car j’aimerais mieux mourir que de voir quelqu’un me faire perdre cette gloire ». (1Cor. 9,15) Et ici de même : « J’ai pris garde à ne vous être à charge en quoi que ce soit, comme je ferai encore à l’avenir ».
Ensuite il ne veut pas que ces paroles puissent être considérées comme un moyen pour lui, de se concilier leur faveur ; il leur dit « J’ai la vérité de Jésus-Christ en moi ». Cardez-vous de croire que ce que je vous dis, c’est pour recevoir quelque chose, pour vous attirer à moi davantage. « J’ai la vérité de Jésus-Christ en moi, et je vous assure qu’on n’arrêtera point le cours de ma gloire dans les terres de l’Achaïe (10) ». Il ne veut pas non plus qu’on s’imagine que c’est pour