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Page:Jean Chrysostome - Oeuvres complètes, trad Jeannin, Tome 10, 1866.djvu/157

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s’en apercevoir ; c’est ce que l’apôtre montre clans ce qui suit. Il a déjà insinué ce fait, en disant : « A ceux qui se glorifient de faire comme nous » ; nous le verrous ailleurs exprimer sa pensée sur le même objet avec plus de clarté en ces, termes : « Qu’on vous mange, qu’on vous prenne, qu’on vous traite avec hauteur, vous souffrez cela (20) ». Quant à présent, il attaque les faux apôtres d’une autre manière, il dit d’eux : « Qui se transforment ». Ils n’ont qu’un masque, ce n’est que la peau de la brebis qui les recouvre. « Et l’on ne doit pas s’en étonner, puisque Satan même se transforme en ange de lumière. Il n’est donc pas étrange que ses ministres aussi se transforment en ministres de la justice (14,15) ». S’il faut s’étonner de quelque chose, c’est du pouvoir de Satan, mais ce que font ceux-ci n’a pas de quoi surprendre. Leur maître ose tout ; il n’y a rien ! d’étonnant à ce que ses disciples suivent son exemple. Maintenant que signifie « ange de lumière ? » C’est un ange qui a la liberté de parler à Dieu, et qui se tient auprès de Dieu. Il faut savoir qu’il y a aussi des anges de ténèbres, des anges du démon, anges de la nuit, anges féroces. Le démon a trompé un grand nombre d’hommes, en se transformant, sans devenir pour cela un ange de lumière. De même ces gens-là se promènent sous un masque d’apôtres, sans en avoir la vertu qui n’est pas en leur puissance.
Rien n’appartient autant à la nature du démon que d’agir par ostentation. Mais que signifie : « Ministres de la justice ? » C’est ce que nous sommes, nous qui vous prêchons l’Évangile où est contenue la justice. Ou c’est là ce que dit l’apôtre, ou il signifie que les ministres de l’Évangile se sont acquis la réputation d’hommes justes. Comment donc les reconnaîtrons-nous ? Par leurs œuvres selon la parole du Christ. Aussi est-il forcé d’établir le parallèle entre ses bonnes œuvres et leur perversité, afin que la comparaison mette en évidence les intrus. Au moment d’entreprendre encore son éloge, il commence parles accuser, afin de montrer qu’il est contraint par son sujet, afin qu’on ne l’accuse pas de parler de lui-même, et il dit : « Je vous le dis encore une fois (16) ». Il a déjà eu recours à une foule de précautions. C’est égal, il ne me suffit pas de ce que je vous ai déjà dit, mais je vous le dis encore une fois, afin que l’on ne me regarde pas comme un insensé. Ces gens-là n’avaient qu’une occupation, c’était de se glorifier sans aucun motif. Considérez comment l’apôtre, chaque fois qu’il entreprend son propre éloge, prélude avec circonspection. C’est une action insensée, dit-il, que de se glorifier ; mais moi je ne le fais pas à la manière des insensés, j’y suis forcé. Si vous ne me croyez pas, si même en reconnaissant la nécessité qui me presse vous me condamnez, eh bien ! je n’en persisterai pas moins. Voyez-vous comme il montre l’impérieuse nécessité qui le contraint de parler ? S’il ne reculait pas devant le soupçon d’être un insensé qui se vante, considérez quelle violente nécessité de parler lui était imposée, quel effort il faisait, quelle contrainte il subissait. Cependant il s’exprime encore avec mesure. Il ne dit pas : Afin que je me glorifie. Au moment de se glorifier un peu, il a encore recours à une précaution préliminaire ; il dit : « Ce que je dis, je ne le dis pas selon Dieu ; mais je fais paraître de l’imprudence, dans ce que je prends pour un sujet de me glorifier (17) ».
Voyez de combien il s’en faut que se glorifier soit conforme à la loi du Seigneur. « Lorsque vous aurez tout accompli », dit le Seigneur, « dites-vous : nous sommes des serviteurs inutiles ». (Lc. 17,10) Mais, si l’action en elle-même n’est pas conforme à la loi du Seigneur, elle le devient par l’intention qui la produit. Aussi l’apôtre s’exprime-t-il ainsi : « Ce que je dis… » ce n’est pas l’intention qu’il reprend, mais seulement les paroles. Son but est assez élevé pour rehausser les paroles mêmes. De même que l’homicide est le plus grand des crimes, mais souvent l’intention l’a rendu méritoire ; de même que la circoncision n’est pas conforme à la loi du Seigneur, mais l’intention l’a rendue telle ; de même pour ce qui est de se glorifier. Mais pourquoi l’apôtre ne présente-t-il pas avec toute cette précision les considérations qui l’excusent ? C’est qu’il est pressé, qu’il a un tout autre but, ce n’est qu’en passant qu’il laisse échapper quelques mots accordés comme par grâce à ceux qui veulent le censurer ; il, pense surtout à dire ce qui doit être utile. Les observations déjà faites par lui, étaient suffisantes pour éloigner de lui tout soupçon. « Mais je fais paraître de l’imprudente ». Il a commencé par dire : « Plût à Dieu que vous voulussiez un peu supporter mon imprudence » ; et maintenant il dit. « Je fais paraître de l’imprudence ». Plus il avance,